https://www.youtube.com/watch?v=Tcxno3rDalU
Communiqué de La Manif Pour Tous :
“Sur RMC ce matin, la secrétaire d’Etat Marlène Schiappa a déclaré que l’extension de la PMA aux femmes célibataires et aux couples de femmes, c’est-à-dire sans père, serait légalisée en 2018 avec la révision de la loi de bioéthique. Son argument de justice sociale, particulièrement mal venu de la part d’une secrétaire d’Etat, omet complètement l’enfant et le père, pourtant au centre de la question. Quant à l’engagement prétendument pris par Emmanuel Macron à ce sujet, La Manif Pour Tous appelle la Secrétaire d’Etat à relire précisément les propos du Président à ce sujet : il avait, au contraire, prudemment posé des conditions et s’était bien gardé d’un engagement ferme.
Par sa déclaration matinale, Marlène Schiappa instrumentalise l’enfant et la famille en espérant calmer la fronde sociale. En réalité, la PMA sans père coûterait très cher aux travailleurs et aux contribuables, tout en rapportant à tous les profiteurs du business de la procréation. Contrairement à ce que croit manifestement Marlène Schiappa, la PMA sans père est une mesure de logique ultra-libérale : elle serait du plus grand profit du lobby médical et pharmaceutique !
Contrairement à ce que Marlène Schiappa semble imaginer, les Français sont largement opposés à la PMA sans père : pour 77% d’entre eux, « l’Etat doit garantir aux enfants conçus par PMA d’avoir un père et une mère » ! Alors que l’un des premiers engagements d’Emmanuel Macron a été d’agir pour rassembler les Français, la méthode de Marlène Schiappa, qui donne d’emblée les conclusions du débat, ne peut que produire l’effet inverse : à l’instar de François Hollande, elle fait tout pour diviser profondément la société française.
Les Français, en outre, ne sont pas naïfs : La PMA sans père consistant à reconnaître implicitement « un droit à l’enfant », sa légalisation entraînerait évidemment la légalisation de la GPA au nom de l’égalité entre les célibataires homme et femme et entre les couples. La PMA sans père, qui revient à prétendre que les enfants n’ont pas besoin de père et que les femmes n’ont pas besoin des hommes, sauf comme distributeur de sperme, pose des questions humaines inouïes dont Marlène Schiappa n’a manifestement pas idée.
Quant au corps médical, dont la mission de soins serait détournée par la PMA sans père qui n’a rien à voir avec une quelconque pathologie, il sera lui aussi largement divisé, comme l’attestent les descensions au sein du CCNE lui-même : 1/3 des membres ont exprimé leur opposition lors de la publication de l’avis sur la PMA sans père le 27 juin dernier.
La Manif Pour Tous appelle donc Emmanuel Macron et son Premier ministre, Edouard Philippe, à ne pas tomber dans la même erreur que François Hollande et à se concentrer sur les sujets qui préoccupent les Français. Les centaines de milliers de personnes qui sont maintes fois descendues dans la rue entre 2012 et 2017 parce qu’ils prévoyaient le risque de faire sciemment des enfants orphelins de père ou de mère restent extrêmement mobilisées sur ce qui leur tient à cœur : le respect du besoin fondamental et du droit de l’enfant d’avoir un père et une mère, droit inscrit à l’article 7 de la Convention internationale des droits de l’enfant, dont la France est signataire. Les français qui veulent protéger l’intérêt supérieur de l’enfant et la famille s’opposeraient massivement à une tentative de passage en force : elles sont prêtes à battre le pavé.”
En France, un enfant sur 32 est désormais conçu sans rapport sexuel. Depuis l’invention de la procréation médicalement assistée jusqu’à la recherche sur embryons et ses potentialités eugénistes, le biologiste Jean-François Bouvet explore les conséquences vertigineuses du big-bang procréatif.
Jean-François BOUVET. – En France, si l’on se réfère au Rapport annuel de l’Agence de la biomédecine, un peu plus de 25 000 bébés sont nés en 2014 grâce aux techniques de la procréation médicalement assistée (PMA) — ce qui représente effectivement 3,1 % des naissances, pour seulement 2,6 % cinq ans auparavant… Une augmentation à relier, entre autres, aux problèmes de fertilité rencontrés par nombre de couples.
Mais si je parle de big bang procréatif, c’est plutôt pour évoquer un phénomène plus large, d’envergure planétaire celui-là: le morcellement du processus de procréation. Si, dans les années soixante, l’arrivée de la pilule contraceptive a chimiquement entériné la séparation entre sexualité et reproduction, la décennie soixante-dix et les suivantes ont connu une autre révolution biologique en forme de dissociation. À savoir la possibilité de segmenter la réalisation d’un projet d’enfant, en le fragmentant entre des intervenants multiples: donneuse d’ovocytes, donneur de sperme, plus éventuellement mère porteuse et parents dits «intentionnels» dans le cas de la gestation pour autrui (GPA).
Dernière étape en date, portant à six le nombre de parents potentiels: la fourniture, par une femme autre que les géniteurs, de mitochondries — ces petits organites apportés à l’œuf par l’ovocyte lors de la fécondation, et assurant dans nos cellules des fonctions énergétiques. Fin 2016, le Royaume-Uni a été le premier pays à autoriser un tel mode de conception. Dans quel but exactement? Il faut savoir que les mitochondries disposent de leur propre matériel génétique, de taille certes très limitée par rapport à celle de l’ensemble de l’ADN de la cellule mais dont les mutations peuvent être à l’origine de maladies génétiques rares. D’où l’idée de remplacer si nécessaire ces organites, dans le cadre d’une fécondation in vitro (FIV) entre spermatozoïdes et ovocyte, par ceux de l’ovocyte d’une autre femme, indemnes de telles mutations. Une sorte de «FIV à trois parents», donc. Et un pas de plus vers le morcellement de la reproduction.
Vous évoquez la question de l’autoconservation des ovocytes, qui est strictement encadrée en France. Quel est l’état du droit? Pourquoi est-ce si limité?
Cette conservation se fait par vitrification des ovocytes, une technique de congélation ultrarapide assurant la préservation optimale de leur potentiel de fécondation. En France, la méthode n’a été autorisée que récemment, par la loi du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique. Avec deux indications: la sauvegarde de la fertilité féminine lorsqu’elle est menacée par un traitement médical lourd, ainsi que la constitution, à l’image des banques de sperme, de banques d’ovocytes destinés au don à des femmes infertiles.
Hors indications médicales, la France n’autorise pas la vitrification d’ovocytes pour décaler le projet d’enfant jusqu’au moment jugé propice: prélever précocement ces cellules, avant que leur qualité ne se dégrade, dans le seul but de les stocker en vue d’une fécondation tardive n’est pas possible. Seules les femmes ayant fait un don d’ovocytes peuvent éventuellement disposer de quelques-uns d’entre eux pour une FIV, si elles souhaitent y recourir un jour. Jugeant une telle mise sous condition «médicalement et éthiquement inacceptable», l’Académie nationale de médecine a recommandé, dans un rapport rendu public le 19 juin 2017, que l’autoconservation des ovocytes devienne accessible aux femmes majeures soucieuses de prévenir l’infertilité liée à l’âge. Huit jours plus tard, le 27 juin, c’était au tour du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) de s’exprimer sur la question… Et ledit comité prenait le contre-pied de la position de l’Académie.
Cette technique permettrait-elle de libérer davantage les femmes ou au contraire de les asservir davantage à la loi du marché?
Dans de nombreux pays voisins — Belgique, Italie, Espagne… —, la législation est beaucoup plus souple qu’en France. C’est aussi le cas aux États-Unis. En avril 2014, la couverture de l’hebdomadaire américain Bloomberg Businessweek affichait le slogan Freeze your eggs, free your career — Congelez vos ovocytes, libérez votre carrière. Une manière de plier la biologie aux exigences sociétales. La même année Facebook et Apple annonçaient leur intention de proposer à leur personnel féminin la prise en charge financière d’une telle congélation — histoire de permettre d’optimiser les carrières en mettant en veilleuse le projet d’enfant. Une «pression douce» qui en dit long sur la conception 2.0 de la vie privée dans la Silicon Valley. Celles qui choisiront la maternité se verront-elles signifier par leur hiérarchie qu’il s’agit là d’un choix néfaste à leur avenir professionnel?… J’observe qu’inverser le slogan Freeze your eggs, free your career revient à énoncer son corollaire: Free your eggs, freeze your career — Libérez vos ovocytes, congelez votre carrière.
En quoi l’avis du CCNE du 15 juin 2017 favorable à l’extension de la PMA aux couples lesbiens et célibataires va changer la donne? Cela va-t-il selon vous ouvrir la voie à une marchandisation des gamètes?
Intervenant quelques semaines après l’élection du président Macron, cet avis du CCNE est évidemment très important, parce qu’attendu par le nouveau pouvoir politique appelé à légiférer en la matière. Pour ce qui est de la marchandisation des gamètes, je doute fort que l’ouverture de la PMA puisse aboutir dans notre pays à un tel phénomène. La France est en effet très attachée au principe de gratuité et d’anonymat du don. Reste qu’une telle ouverture devrait mécaniquement se traduire par une sollicitation plus importante des banques de sperme.
Vous évoquez une dérive «eugéniste» potentielle de la PMA, notamment sur la recherche génétique autour de l’intelligence. Quelle est la réalité de cette menace?
Pour débusquer les gènes des capacités intellectuelles, la Chine est en première ligne. Plus précisément, le Cognitive Genomics Lab, un laboratoire lié à l’un des plus grands centres mondiaux de séquençage de l’ADN: le Beijing Genomics Institute (BGI), implanté à Shenzhen, aux portes de Hong Kong. Créé en 2011, ce laboratoire veut explorer la génétique de la cognition humaine. Il s’agit pour les chercheurs de collecter des échantillons d’ADN chez des individus parmi les plus intelligents au monde, du moins considérés comme tels parce que dotés d’un fort QI. Et ce, en vue de comparer leur génome à celui d’individus à QI plus modeste, dans l’espoir
d’identifier les variants des gènes qui déterminent l’ «intelligence»… Comme si cette dernière ne dépendait que de facteurs génétiques. C’est bien sûr loin d’être le cas, du fait, entre autres, de l’étonnante plasticité du cerveau.
Toujours est-il que le programme du BGI ne laisse pas d’inquiéter la communauté internationale, en raison de possibles dérives eugénistes. Vise-t-il à améliorer le niveau intellectuel de la population chinoise? Permettra-t-il aux couples ayant recours à la FIV de sélectionner par examen génétique les embryons les plus prometteurs sur le plan de l’intelligence? Vu le nombre considérable de gènes impliqués dans les capacités cognitives, on n’en est pas encore là… Un scénario de type Gattaca n’est donc pas pour demain matin.
Reste que la sélection des embryons en fonction de tel ou tel critère n’ayant rien à voir avec une maladie génétique est une perspective à prendre au sérieux. Une telle sélection existe déjà pour le sexe de l’enfant à naître. Dans le cadre de la PMA, nombre de pays offrent en effet la possibilité de choisir entre garçon et fille. C’est par exemple le cas de la Thaïlande, des États-Unis dans la plupart des États ou de la République turque de Chypre du Nord. On peut s’attendre à ce que d’autres critères de sélection — la couleur des yeux en particulier — soient proposés, là ou ailleurs, dans un avenir plus ou moins proche.
Vous évoquez également la modification génétique d’embryons. Où en sont les scientifiques?
Le moins que l’on puisse dire est que la question est d’actualité: la première annonce scientifique sur le sujet remonte à avril 2015 et, depuis, d’autres expérimentations génétiques sur l’embryon humain, ou sur l’œuf dont il est issu, ont été conduites en Chine, en Suède et aux États-Unis. À titre d’exemple, une équipe de Guangzhou, en Chine, est parvenue à doter des embryons d’un gène de résistance au virus du sida… On se souviendra donc de la deuxième décennie du XXIe siècle comme de celle où se sont produites les premières intrusions, avant la naissance, dans le patrimoine génétique de l’espèce humaine.
Quelles conséquences peuvent avoir ces mutations sur l’avenir de l’humanité?
On imagine en effet sans peine ce à quoi aboutirait la modification génétique d’un embryon humain si celui-ci
venait à être implanté pour développement jusqu’à terme: dans la mesure où ses futures cellules reproductrices seraient aussi affectées, cela reviendrait à modifier non seulement le génome d’un individu, mais aussi celui de sa descendance. Et même chose, bien sûr, si la modification ciblait en amont les gamètes ou l’œuf à l’origine de l’embryon.
La communauté scientifique est-elle plutôt prudente ou bien sans limites sur ce sujet?
Cette problématique est loin de faire l’unanimité dans la communauté scientifique. Conscients de l’ampleur des enjeux, des scientifiques américains, et non des moindres, ont, en mars-avril 2015, dans les prestigieuses revues Science et Nature, mis en garde contre l’usage incontrôlé de telles manipulations génétiques et appelé à un moratoire. Ces chercheurs s’inquiétaient en particulier du risque d’altérations parasites de la séquence de l’ADN en des points non spécifiquement visés — lesquelles pourraient ne manifester leurs effets qu’après la naissance, si elles interféraient par exemple avec des gènes impliqués dans la genèse de cancers.
S’imaginer qu’une technique de manipulation génétique puisse être précise et fiable à cent pour cent serait effectivement faire preuve d’un aveuglement d’autant plus coupable qu’ici l’enjeu est vertigineux.
Agrégé de sciences naturelles et docteur d’État ès-sciences (neurobiologie), auteur de plusieurs essais à succès,
dont «Mutants: À quoi ressemblerons-nous demain?» (Flammarion,2014), Jean-François Bouvet collabore aux revues Le Point et Sciences Humaines. Il publie «Bébés à la carte» aux éditions Équateurs.
Source