Song to Song, soit de chanson en chanson, est le dernier film de Terrence Malick. Terrence Malick possède un génie formel exceptionnel : tous ses plans sont très travaillés, beaux, y compris dans des environnements peu faciles comme des parkings entourés de grillages rouillés et d’immeubles laids – et c’est le cas ici. Cet aspect virtuose est donc à voir, à étudier pour les étudiants en cinéma. Mais qu’en est-il pour les autres spectateurs ? Il faut tout de même avouer que, depuis quelques années, ses films ne sont pas passionnants, la narration étant largement sacrifiée au profit de l’exercice formel ou, pire, de considérations philosophiques discutables, tendant vers le panthéisme.
Song to Song, un tableau peu enthousiasmant du monde de la chanson rock
Ici, il faut bien que reconnaître que Song to Song propose sur tous ces plans une surprise positive, Terrence Malick a respecté ce principe de base du film : il faut une histoire. La narration est aussi appuyée par le jeu convaincant de très grands acteurs, parmi les plus célèbres de notre époque, dont Ryan Gosling et Rooney Mara. Evidemment, le réalisateur tient à un minimum de complexité de son montage, à une narration parfois éclatée. Mais le spectateur parvient à suivre sans difficultés. Song to Song décrit donc les tribulations professionnelles et, au cœur de son sujet, sentimentales, d’un chanteur américain contemporain – d’où le titre – et de son impresario, un moment son meilleur ami. Il est dangereux de travailler avec son meilleur ami, car les frictions professionnelles risquent de détruire cette amitié. Le film évoque surtout les amours de ces deux personnages : ils tentent de former des couples durables avec les élues par leurs cœurs. Seulement l’une est dépressive et l’autre souffre d’une instabilité chronique, trompant régulièrement l’homme qu’elle aime avec des hommes et une femme. Précisons que Terence Malick sait s’arrêter aux préliminaires, au seuil de l’indécence manifeste. Il joue de la limite, mais ne la franchit pas, alors qu’à notre triste époque il ne risquerait plus rien à la franchir.
Song to Song propose un tableau peu enthousiasmant du monde de la chanson rock, à la troisième ou quatrième génération, marquée comme les précédentes par l’usage de substances illicites et la débauche. Ces vices ne rendent nullement pourtant les artistes et leurs proches heureux, bien au contraire. La chose est bien montrée dans le film. La femme dépressive, malgré ses prières et son appel au secours de la religion chrétienne – émouvant -, finit par mourir de ses vices. Le film essaie de promouvoir le pardon entre amants qui se sont faits beaucoup de mal réciproquement. Pourquoi pas ? Du fait de la précision dans la description d’un milieu peu édifiant, Song to Song est à réserver toutefois aux adultes avertis.