Lettre à Notre-Dame de Lourdes

Très chère Sainte Vierge,

Après-demain, c’est votre fête.

Et en ce 15 août 2016 – une fois n’est pas coutume -, on parle beaucoup du pèlerinage annuel et des cérémonies qui vont émailler cette journée commémorant votre glorieuse Assomption.

Je ne voudrais pas vous froisser – je sais que les blessures d’amour-propre vous sont heureusement épargnées –, mais je crains que cette publicité tapageuse autour de votre sanctuaire tienne moins à votre glorieuse personne qu’aux mesures de sécurité prises par le préfet. Je sais, très Sainte Vierge, je vous parle là d’un monde dont la trivialité vous échappe, mais croyez-moi, les reportages qui passent en boucle sur les radios et les plateaux de télé ont plus à voir avec la sécurisation de la foire à la saucisse qu’avec votre message divin.

Comment dire cela sans vous blesser…

Voilà, très Sainte Vierge, pour vous le dire franchement, c’est un peu la compétition entre la maire de Lille et la mère de Dieu. Braderie ou pèlerinage, moules frites ou eau bénite. Qui sortira vainqueur ? Voilà ce qui les agite.

D’ailleurs, cela dit une fois encore sans vous offenser, si vous reveniez aujourd’hui à Lourdes, vous y trouveriez aussi tous les marchands du Temple. Et plus nombreux qu’à Lille. Et toute l’année. Qui vendent jusqu’aux portes du sanctuaire votre effigie made in China sur des T-shirts, sous des cloches de verre où tombe la neige, ou qui s’agitent dans des stylos en plastique (on trouve les mêmes à Pigalle, mais la dame n’a pas votre jolie robe).

Et puis, Sainte Vierge, je tiens à vous prévenir : si vous revenez demain, vous aurez du mal à croiser le regard d’une Bernadette Soubirous. À moins, bien sûr, que vous ne consentiez à apparaître sur l’écran d’un smartphone. Et encore, je vous le dis sans vouloir être vulgaire, même en vous imposant dans les lucarnes, faudrait que vous mettiez le paquet pour impressionner la jeune Bernadette. Pas facile de rivaliser avec la Reine des neiges et Rihanna, de faire votre pub sur Snapchat. Il y a de la concurrence.

Je vous entends protester d’ici : « Femme de peu de foi ! Il y a encore des enfants au cœur pur ! » C’est vrai, très Sainte Vierge. Mais comme le rapportait, ce matin, une dame horrifiée sur France Info, la ferveur et le recueillement ne sont pas toujours au rendez-vous : « Dans les églises du sanctuaire, pendant que certains prient à genoux, d’autres se prennent en photo devant l’autel, parlent à voix haute ou encore vont chasser le Pokémon. »

– Non, très Sainte Vierge, je n’ai pas dit le Démon mais le Pokémon.

– Pardon ? Qu’est-ce que vous dites ? J’entends mal.

– Ah ! C’est pareil ?

Heureux 15 août à tous.

Marie Delarue – Boulevard Voltaire

 

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