Quels sont les revenus de la famille royale?

Quand les Français regardent au-dessus de la Manche pour se dire qu’avoir encore une reine est une aberration, c’est la première chose à laquelle ils pensent : et combien ça coûte, tout ce folklore ?

La question est évidemment sensible. Les Britanniques, réputés pour leur pragmatisme comme pour leur sens de l’économie, veulent bien garder la monarchie s’ils en ont pour leur argent. La famille royale le sait bien. En 1993, après des années de critiques, après la crise des années 1980, après le coûteux incendie de Windsor, la reine a bien voulu mettre la main à la poche. Elizabeth et sa «firme» se sont mis à payer des impôts. La même année, la «civil list», sa subvention, a baissé. En 2011, son financement public a été reformé, pour plus de clarté et d’économie.

Aujourd’hui, la reine Elizabeth a deux sources de revenus : le «Sovereign Grant» et le «Privy Purse». Difficile de dire que l’un est public, l’autre privé, tant la séparation est floue.

Le salaire de la reine

Le «Sovereign Grant»

La reine est chef de l’Etat britannique, à ce titre, Elizabeth a donc un ensemble de responsabilités à honorer, pour le bon fonctionnement des institutions. Pour ce travail officiel, la reine touche, en quelque sorte, un salaire. C’est le «Sovereign Grant», une subvention annuelle, censée couvrir l’ensemble des dépenses de Sa Majesté pour ses obligations institutionnelles.

Cette somme correspond à 15 % des revenus du «Crown Estate», c’est à dire le patrimoine de la couronne. Ce domaine royal, qui appartenait dans un passé lointain au monarque britannique, est aujourd’hui la propriété de l’Etat. Le patrimoine de la couronne est l’un des plus importants du Royaume-Uni. Il s’agit d’un ensemble de propriétés d’une valeur totale estimée à 8 milliards de livres sterlings, soit 10 milliards d’euros. Oui, milliards.

Faisons les comptes.

Avec une subvention indexée à hauteur de 15 % sur les revenus d’un patrimoine estimé à 10 milliards d’euros, ça vous donne… un bien beau salaire. Soit 36,1 millions de livres sterling pour l’exercice 2013-2014 (45 millions d’euros), et 37,9 millions pour 2014-2015 (47 millions d’euros). Mais comme aiment à le souligner les journaux pro-royalistes du pays, la famille royale ne coûte aux Britanniques que 56 pence par tête et par an, soit 70 centimes d’euro.

Que fait-elle avec tout cet argent ?

Cette somme, c’est la «Royal Household ou la «maison royale», c’est à dire l’administration de la cour, qui la perçoit pour son fonctionnement. Par la bonne gestion de ces fonds, la cour a pour objectif principal «de donner un excellent soutien à la reine, pour que Sa Majesté puisse servir la nation comme chef d’Etat», selon les textes. Soit :

– Financer une administration de plus 400 employés, du ménage à la communication, en passant par les cuisines et les aides royaux en charge d’assister la reine dans ses responsabilités quotidiennes.

– Couvrir les frais de ces responsabilités quotidiennes, de ceux des membres de sa famille qui la représentent officiellement. Cela comprend les frais de déplacements, ou ceux d’organisations des banquets d’état, ou des Garden Parties.

– Autre mission : «Maintenir les Palais Royaux Occupés (par les membres de la famille, ndlr) dans un état digne de leurs fonctions, et de leurs statuts royal, architectural, et historique».

Le tout de la manière la plus «économique et efficace». Car la question est bien là, surtout en pleine crise. La loi du «Sovereign Grant» en 2011, est venue réformer le financement complexe, opaque, coûteux et désuet de la monarchie.

Réforme.

Avant l’introduction du «Sovereign Grant», la reine avait droit à l’historique «Civil List», une subvention allouée chaque année par le Ministère des Finances, officiellement pour ses dépenses professionnelles. Son époux Philip, ainsi que la reine-mère, en étaient également bénéficiaires. La somme, fixée par les parlementaires, n’était réévaluée qu’une fois tous les dix ans.

La Reine touchait en outre trois «Grant-in-aid» : Une «aide» pour l’entretien des palais occupés et une autre pour la communication de la couronne, toutes deux allouées par le Ministère de la Culture ; et une troisième pour les frais de voyages et de déplacement à l’étranger, allouée par le Ministère des Transports.

Pour leurs responsabilités officielles et leurs personnels, les autres membres de la famille touchaient quant à eux une subvention parlementaire, par la suite remboursée par la reine. Pour plus de clarté, la reine touche donc maintenant une seule subvention annuelle de l’Etat, couvrant «Civil List», «Grant-in-aids» et subventions parlementaires. Le financement public de la «maison royale» a baissé de 14% la première année de la mise en place du «Sovereign Grant», en 2012-2013.

La «Civil List».

 Etablie au fil du temps après la «Glorieuse révolution» de 1688, cette «liste civile» avait pour but d’encadrer les dépenses non-militaires (d’où le terme «civile») du monarque, nouvellement séparées de celles de l’état. Il s’agissait également de contrôler sa fortune, pour ne pas que le souverain soit totalement indépendant du parlement.

A l’avènement de George III en 1760, le «Crown Estate» et sa gestion ont été laissés au Trésor public – donc le parlement – suite aux errements budgétaires de George II. En échange, le nouveau roi s’est vu attribuer une somme fixe, déterminée par Westminster. C’est le début du financement moderne de la monarchie.

Il y a quoi, dans le patrimoine de la Couronne ?

Le «Crown Estate» est l’un des plus, si ce n’est le plus important propriétaire du Royaume-Uni. Son domaine est estimé à 6,7 milliards de livres (8,2 milliards d’euros).

La Couronne possède des propriétés dans de nombreuses villes du royaume, d’Oxford à Newcastle en passant évidemment par Londres. Dans la capitale, le «Crown Estate» est propriétaire de tous les immeubles de la célèbre Regent Street, à côté de Picadilly Circus, et près de la moitié du quartier de St James, au cœur de la ville. La Couronne possède également tout ou partie de nombreux centre commerciaux dans le pays.

Dans le domaine rural, la Couronne possède plus de 150 000 hectares de forêts et terres agricoles. Le «Crown Estate» est également propriétaire des droits d’extraction sur 115 000 hectares de mines dans le pays. Elle possède plus de la moitié du littoral du Royaume-Uni. La Couronne possède également le droit sur la pêche au saumon dans la plupart des rivières d’Ecosse, ainsi que tous les crustacés sauvages de ses côtes…

Le porte-monnaie de la reine

Outre le «Sovereign Grant», son salaire de reine, Elizabeth a d’autres sources de revenus, privées cette fois. C’est-à-dire en temps que madame Windsor, et non comme Sa Majesté.

Le Privy Purse. C’est ainsi que l’on appelle les finances privées de la reine. Le Privy Purse (sac, poche ou bourse privée) tire son nom du sac brodé que portait sur lui le trésorier du souverain, auparavant. Ce Keeper of the Privy Purse est aujourd’hui le gestionnaire de ces fonds, qui peuvent aussi servir à la mission publique de la reine. Pour plus de convenance, la charge de Keeper of the Privy Purse et celle du Trésorier de la reine, qui a la gestion du «Sovereign Grant», sont assurées par la même personne.

Le Privy Purse est principalement alimenté par les revenus du duché de Lancaster.

Le duché de Lancaster. Le duché royal de Lancaster est une possession mi-privée, mi-publique. Elizabeth porte le titre de duchesse de Lancaster, comme tous les souverains britanniques depuis Henry IV, roi d’Angleterre de 1399 à 1413. Henry IV, fils du premier duc de Lancaster, avait décidé de le séparer officiellement le duché des biens de la couronne.

Comme le «Crown Estate», le duché de Lancaster est aujourd’hui un ensemble de propriétés diverses. On y trouve de nombreuses terres agricoles et des fermes, notamment dans son fief du Lancashire (nord-ouest du pays) mais aussi au Pays de Galles. Le duché possède également un ensemble de bâtiments dans diverses villes du royaume, dont un grand centre d’affaires à Londres.

A la différence du «Crown Estate», le duché de Lancaster n’appartient pas à l’Etat, mais bien au souverain qui en hérite de son prédécesseur. Le duché est toutefois géré pour la souveraine par un «chancelier», un membre du gouvernement désigné par la reine sur suggestion du Premier ministre, et responsable devant le parlement.

La gestion du duché est donc contrôlée par l’Etat, mais ses profits sont destinés au souverain, afin de lui assurer une source de revenus privée et indépendante. Sa valeur est estimée à 442 millions de livres sterling (552 millions d’euros). En 2013, le duché a rapporté 13,6 millions de livres sterling (17 millions d’euros) après impôts. Et oui, toute reine qu’elle est, Elizabeth doit logiquement payer des impôts sur les revenus du patrimoine.

La Royal Collection. Plus de 7000 peintures, 40 000 aquarelles et dessins, près de 150 000 gravures, des photographies, des tapisseries, du mobilier ancien, des céramiques, des livres. C’est la fabuleuse collection d’art de la famille royale, réparties dans les différents châteaux de la couronne. Il y a des Rembrandt, un Monet, des dessins de Michel-Ange, des meubles d’André-Charles Boulle… Les fameux Joyaux de la Couronne britannique, exposés à a Tour de Londres, en font partie.

C’est une possession mi-privée, mi-publique. Les collections appartiennent toujours à la reine, mais Sa Majesté les conserve pour la nation. Elle n’a donc pas le droit de les vendre. Les collections sont gérées par une association, dirigée notamment par son fils, mais aussi son secrétaire privé et son responsable du trésor. L’argent gagné avec les expositions revient à cette association, qui finance ainsi la préservation des collections.

Les châteaux de la reine. Si elle ne paie pas de loyer à Buckingham, la reine n’est pas propriétaire du palais. C’est le «Crown Estate». A titre personnel, et uniquement personnel, Elizabeth est propriétaire de deux châteaux. Celui de Balmoral en Écosse, où la reine passe ses vacances d’été, et celui de Sandringham, où elle passe les fêtes de fin d’année.

La fortune de la reine. La fortune personnelle de la reine n’a jamais été rendue officielle. Elle est difficile à estimer, tant l’ambiguïté privé-public, revenus propres et subventions, propriété et usufruit est grande. En 2010, le magazine économique américain «Forbes» avait estimé la fortune personnelle de la reine Elizabeth à 335 millions d’euros.

 Charles, William et Kate?

Le Duché de Cornouailles. L’héritier du trône du Royaume-Uni a droit pour ses revenus à son duché, comme le souverain avec celui de Lancaster. C’est le duché de Cornouailles, établi en 1337, et dont le prince Charles est titulaire.

Le duché de Cornouailles finance l’ensemble des activités, tant pour la mission publique que les dépenses personnelles, du prince Charles et de sa maison royale – c’est à dire son épouse Camilla, ses fils William et Harry, et maintenant sa belle-fille Kate.

Il s’agit là encore d’un ensemble de propriétés, soit 133 000 hectares de terres, principalement dans le sud-ouest du pays, près de son fief de Cornouailles. On y trouve des fermes comme des bâtiments dans diverses villes du royaume. C’est aussi un ensemble d’investissements financiers. Sa valeur totale est estimée à 763 millions de livres sterling (954 millions d’euros). En 2013, le duché a rapporté 19,1 millions de livres sterling (23 millions d’euros).

La gestion est supervisée par l’Etat, mais plus indépendante que celle du duché de Lancaster. Charles est particulièrement impliqué dans cette gestion. Au point de susciter des critiques pour son lobbying auprès du parlement et du gouvernement, pour préserver l’intérêt de son duché.  Seul autre duché royal avec celui de Lancaster, le duché de Cornouailles a la particularité d’échapper à l’impôt sur les entreprises, même depuis la reforme de 1993. Pour éviter les critiques, le prince Charles a décidé de payer de lui-même l’équivalent du taux d’imposition le plus fort au Trésor public. En tout logique, Charles paie à titre personnel des impôts sur les revenus du patrimoine.

Combien gagnent Kate et William ?

Kate n’a pas de revenu. Ses frais pour ses missions officielles sont payés par le «Sovereign Grant» si elle représente la couronne, ou par le prince Charles s’il s’agit de ses œuvres de charité. Sa vie privée avec William est en partie financée par le prince Charles, ainsi que par la fortune personnelle de son époux. Celui-ci a de l’argent. Plus que son salaire annuel de 37 000 livres sterling (46 000 euros) du temps où il était pilote dans la Royal Air Force, c’est l’héritage de sa mère qui est capital. A sa mort en 1997, Diana a laissé 6,5 millions de livres sterling à chacun de ses fils, à toucher à leur trentième anniversaire.

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