Responsable de la fièvre de l’escargot, qui touche 200 millions de personnes dans le monde, le schisostome inquiète les chercheurs. Très présent dans l’hémisphère sud, responsable de dizaines de milliers de morts par an, ce ver pourrait s’acclimater à l’Europe.
Peut-être n’avez-vous jamais entendu parler de bilharziose ou de schistosomiase. Derrière ces deux termes barbares, se cache une seule et même maladie, mortelle, qui touche plus de 200 millions de personnes dans le monde, également appelée fièvre de l’escargot. Traditionnellement présente dans l’hémisphère sud, elle pourrait très vite s’accommoder du climat européen. Depuis 2011, elle est régulièrement détectée en Corse, et cela pourrait n’être qu’un début.(…)
Cette maladie parasitaire est due à un ver, le schistosome. Plat, il mesure de 8 à 25 mm, selon son genre. Les vers élisent domicile dans des mollusques d’eau douce, où ils se multiplient. La forme larvaire du schistosome infecte l’eau, puis pénètre la peau des humains qui s’y baignent, ou y lave leur linge.
Une fois dans le corps, la larve se développe, jusqu’à sa taille adulte. Là, le ver femelle colonise les vaisseaux sanguins, migre vers la vessie (pour l’une de ses espèces) et produit des centaines de milliers d’œufs, qui déclenchent des réactions immunitaires : diarrhées, sang dans les selles, douleurs abdominales, fièvres, cancer de la vessie voire lésions du système nerveux central… parfois jusqu’à la mort.
En 2011, c’est la stupéfaction : le ver, absent d’Europe depuis les années 1970, y refait son apparition… en Corse. En 2013, rebelote : des personnes qui se sont baignées dans la rivière du Cavu, un parc naturel très touristique au sud-est de l’île, présentent des troubles de l’appareil urinaire. 110 personnes sont touchées, selon les chiffres de l’Agence régionale de santé (ARS) de Corse, sans développer une forme grave de la maladie. En 2014, le site est fermé, puis rouvert en 2015. De nouvelles personnes sont alors touchées.
Comment expliquer son arrivée en Corse ? Toujours selon l’ARS, l’hypothèse la plus probable serait qu’une personne contaminée, originaire d’une zone touchée par la maladie (le Sénégal), aurait uriné dans l’eau, contaminant les bulins (mollusques) du site, qui ont à leur tour contaminé les baigneurs. Le site est désormais suivi de très près par la préfecture et les autorités sanitaires, qui ont multiplié les actions de prévention pour endiguer la contamination.
Mais celle-ci pourrait s’étendre dans d’autres régions d’Europe, pour plusieurs raisons : d’abord, les parasites recueillis dans la rivière du Cavu ont évolué vers des formes hybrides, compatibles avec une contamination des bovins. Ils pourraient donc, à terme, se modifier pour contaminer de plus en plus d’espèces européennes.
Ensuite, les différentes migrations humaines pourraient contribuer à diffuser la maladie, avec l’arrivée de personnes originaires d’Afrique tropicale ou subsaharienne, dans divers pays du continent européen.(…)
Dans un article publié le 28 juin dans The Conversation, Karl Hoffmann, professeur de parasitologie à l’université d’Aberystwyth (Pays-de-Galles), tire lui aussi la sonnette d’alarme. « Le médicament Praziquantel a été développé dans les années 1970. Il est sûr, peu cher et facile à digérer. Mais à cause de ses qualités, aucun effort n’a été fait dans la recherche de nouveaux médicaments (contre les vers plats, N.D.L.R.) depuis 20 ou 30 ans. Cela pourrait représenter un réel danger si les schistosomes devenaient résistants au Praziquantel. »