Bibi-la-Bibiste de Raymonde Linossier

Raymonde Linossier (1897-1930 ) est l’auteur d’un seul roman, poétique et de surréaliste, d’une trentaine de lignes. Elle est née à Lyon, le 25 mars 1897, dans une famille bourgeoise. Son père est un fameux biochimiste, professeur à la faculté de médecine, dont les filles, à l’exception de Raymonde, épouseront des médecins prometteurs. Aide-infirmière pendant la guerre de 1914, Raymonde Linossier reprend le chemin des études avec sa soeur Alice et s’installe à Paris où elle entre au barreau en janvier 1926. Elle devient l’assistante de maître Chanvin,  mais cède à d’autres désirs : l’orientalisme la tente mieux et c’est en membre de la Société asiatique qu’elle entre au service photographique du Musée Guimet en 1926. Elle va y oeuvrer sur la Bibliographie de l’archéologie bouddhique ou la Mythologie asiatique de Paul-Louis Couchoud.
Voilà donc une part de son existence. Les autres, car il y en a d’autres, auront été le féminisme et ses amitiés artistiques. En ce qui concerne le féminisme, il reste trace de sa participation au Conseil National des Femmes, ses études de droit avaient pour but de défendre les prostituées. Curieux paradoxe de cette jeune femme qui choisissait de côtoyer le monde interlope des amours vénales mais masquait à sa famille ses relations littéraires.
Parmi ses amis, Francis Poulenc aura été le plus proche. C’est à Vichy que les Linossier avaient rencontré les Poulenc. Raymonde et Francis sont donc des amis d’enfance, ils resteront de joyeux complices. Tout au long de la courte vie de Raymonde Linossier, ils échangeront des correspondances cryptées qui disent assez l’amitié étroite, si ce n’est parfaite. Puis, un beau jour de juillet 1928, Francis Poulenc demandera sa main par le curieux détour d’une lettre à sa soeur. Il lui aura aussi dédié Les Biches, un ballet ” érotique ” dont la première fut donnée à Monaco, le 4 janvier 1924, avec les Ballets russes de Diaghilev.

Raymonde Linossier disparaît soudainement le 30 janvier 1930 dans des circonstances inconnues. Elle repose au cimetière de Valence. Le jour de ses obsèques, Francis Poulenc dépêcha une messagère chargée de déposer dans le cercueil, aux côtés de l’amie enfuie, le manuscrit des Biches. Gage d’amour d’un homme qui, lors de ses déplacements, n’omit jamais d’emporter une photo de sa belle Potassonne et ne se séparait jamais du porte-cigarette qui lui avait appartenu.

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Bibi-la-Bibiste
roman
par les
Sœurs X…

Chapitre Premier
Enfance
Sa naissance fut semblable à celle des autres enfants.
C’est pourquoi on la nomma Bibi-la-Bibiste

(Ceci fut l’enfance de Bibi-la-Bibiste)

Chapitre Deuxième
Adolescence
Le sang coulait rouge dans ses artères ; le sang coulait noir dans ses veines.

(Telle fut l’adolescence de Bibi-la-Bibiste)

Chapitre Troisième
Amour
A seize ans, elle travaillait dans un atelier.
– Aïe ! mon nez me démange ! s’écria-t-elle.
– C’est un vieux qui t’aime, répondirent ses compagnes, interrompant leurs chanson.
Une violente émotion la saisit. Son coeur fit volte-face dans sa poitrine.

(Telles furent les amours de Bibi-la-Bibiste)

Chapitre Quatrième
Déception
Elle sortit.
Dans la rue populeuse, les vieux messieurs passaient, nombreux.
Bibi-la-Bibiste les examinait de son regard anxieux.
Mais aucun ne répondit à son appel. Un seul lui lança un coup d’oeil enflammé, et il était jeune !
Ne voulant pas s’opposer aux desseins mystérieux de la Fatalité, Bibi-la-Bibiste poursuivit son chemin.

(Et ceci fut la déception de Bibi-la-Bibiste)

Chapitre Cinquième
Rideau
Dans un lit d’hôpital s’éteignit Bibi-la-Bibiste. Comme Marie sa patronne, comme Jehanne d’Arc, elle était vierge. Mais sa fiche portait la mention « Syphilitique ».
Ô puissance magique d’un regard amoureux !

(Et ceci est le dernier et le plus tragique chapitre du roman de Bibi-la-Bibiste)

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