L’artisanat du bâtiment en voie d’ubérisation

Un danger peut souvent en cacher un autre et la grande crainte du plombier polonais, migrateur en diable comme chacun sait, pour complaire à la directive Bolkestein de 2006 libéralisant les services, distrayait les artisans d’enjeux autrement importants que lui imposeraient quelques années plus tard la déferlante numérique et notamment le phénomène d’ubérisation de l’économie, du nom de la fameuse plateforme coopérative Uber de mise en relation de chauffeurs et clients, au grand dam des taxis accrédités et ayant pignon sur rue.

Aujourd’hui, pléthore de start-up, conceptrices de plateformes numériques de mise en relation, surfant sur une tendance générale à la désintermédiation, bousculent les métiers traditionnels de l’artisanat en proposant, aux particuliers comme aux entreprises, un dépannage dans l’urgence, une transparence sur les prix, deux aspects de la prestation cristallisant jusqu’ici l’essentiel des mécontentements en la matière. De nombreux abus et plaintes à l’encontre de professionnels peu scrupuleux avaient récemment abouti à un arrêté du 24 janvier 2017, applicable au 1er avril, imposant aux professionnels de publier sur leur site internet le prix des prestations de dépannage, de réparation et d’entretien et d’établir devis et factures très détaillés pour toute prestation dépassant vingt-cinq euros. S’engouffrant dans la brèche des dysfonctionnements et mécontentements, des plateformes numériques telles que « Mesdepanneurs.fr », « AlloMarcel », « En’jo » et beaucoup d’autres acteurs fraîchement lancés à l’assaut de ce secteur annoncent le bouleversement de modèle économique que sont en train de vivre les artisans du bâtiment.

La mise en relation du client et de l’artisan se fera dorénavant de plus en plus au moyen d’une plateforme internet, moyennant une substantielle commission d’environ 15 %, ce qui semble sonner le début de la fin du lien direct entre l’artisan et son client. Le phénomène est à ce point avancé que la Fédération française du bâtiment (FFB) a récemment diffusé à ses adhérents un plan d’action et de sensibilisation reprenant les principaux points d’alerte à vérifier avant de s’inscrire sur une plateforme et les incitant à travailler avec des « plateformes vertueuses », précisant qu’il sera impossible d’échapper à « une forme d’ubérisation du bâtiment ».

A cette concurrence, jugée déloyale par beaucoup, s’ajoute la menace du géant Amazon dont la division Amazon Home Services s’apprête à intervenir en France, contraignant les artisans à développer au plus vite leur pratique du numérique, à intensifier leur présence sur internet et à s’organiser rapidement entre eux.

Arnaud Raffard de Brienne – Présent

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