Actuellement, on assiste dans les médias à une campagne de propagande pour le don de gamètes (spermatozoïdes ou ovocytes) destinée à en favoriser la pratique et à en banaliser l’usage, en l’assimilant à un acte uniquement altruiste semblable au don du sang. Si le don du sang peut relever de cette démarche, car il interfère peu sur l’état physiologique du receveur et n’a qu’un effet temporaire, il en est tout autrement du don de gamètes.
Faire un don de gamètes sans en connaître le bénéficiaire, c’est accepter de semer sans discernement, tel un poisson dont le sperme féconde au hasard les ovules déposés par la femelle, c’est renoncer à toute notion de filiation directe. C’est aussi accepter l’intrusion d’un tiers dans une relation duale mâle/femelle, et considérer que la conception n’est qu’un acte technique banalisé, standardisé, uniformisé, simple passage biologique (encore obligatoire) pour obtenir un enfant, dont on estime sans doute que seule l’éducation façonnera la personnalité.
Certes, l’acquis est aussi déterminant que l’inné dans l’élaboration de la personnalité, mais vouloir nier l’inné et s’affranchir de cette contrainte génétique, c’est avoir une vision simpliste de la filiation, qui ne peut se concevoir que si on accepte un monde où l’individu n’est plus qu’un élément social parmi d’autres, sans attache, « dégagé » de tout l’héritage génétique qui est le fondement non exclusif, mais incontournable cependant, pour tisser des liens familiaux, ethniques, et culturels.
Plus les recherches avancent dans le décryptage du génome, plus on peut affirmer que l’essentiel de notre personnalité biologique (somatique et psychologique) est la conséquence du codage génétique hérité de nos parents, qui s’exprime plus ou moins selon l’écosystème dans lequel on évolue ensuite. Conditions dont il faut tenir compte lorsqu’on a recours à des gamètes étrangères pour assurer sa descendance. La filiation ne s’embarrasse pas de principes idéologiques, elle obéit à des règles biologiques précises qu’on peut regretter ou contester mais qu’on ne peut pas nier.
Contrairement aux apparences, le don d’un rein est plus anodin que le don de spermatozoïdes ou d’ovocytes car il ne fait intervenir que le donneur et le receveur et n’interfère que sur leur propre physiologie.
Nous ne sommes que les éléments d’une longue chaîne et nous ne pouvons nous affranchir de la responsabilité de cette continuité sans en envisager toutes les conséquences.