Depuis les années 20, la sono s’est imposée au monde moderne pour en amplifier les prèches de nos bons pères. Et Bossuet, comment faisait-il sans micro ? Outre la vacuité des chaires, la venue des micros a bouleversé l’ordre des églises et des cathédrales. Aux odeurs entêtantes de l’encens, des lys et des cierges à moitié consumés, aux reflets ocres des vitraux traversés par la lumière du soleil, on pouvait associer autrefois les échos de la voix du prêtre, persuadant, exhortant, inquiétant parfois même ses ouailles dans un sermon dont le charme ne tenait pas tant dans le choix des mots que dans la façon qu’ils avaient de rebondir sous les voûtes de pierre avant de gagner l’intelligence des fidèles.
« Vanité des vanités, tout est vanité … »
L’écho de la voix de Bossuet résonnerait-elle de la même façon après être passée dans la passoire du micro et des ses haut-parleurs ? Son sermon sur la mort susciterait-il les mêmes sueurs, les mêmes angoisses quant au jugement dernier ? Non. L’art oratoire est un art, qui ne se travaille plus que chez les avocats depuis que les prêtres s’encombrent des micros. La voix du prêtre en chaire venait d’en haut, comme celle de Dieu ou de ses anges. La voix du prêtre, debout derrière l’ambon, est un face à face, elle est humaine là où le chrétien vient chercher l’enseignement de Dieu.
Le Saint-Esprit insuffle la sagesse
Les chaires de nos églises sont des bijoux d’architecture : ornées, dorées, chapeautées d’un abat-voix fait d’anges et trompettes, couronnées d’une colombe. Le Saint Esprit, descendu sur le prêtre pour lui insuffler la sagesse nécessaire avant qu’il n’exhorte la foule. Chaque sermon était ainsi un écho de la Pentecôte :
« Le jour de la Pentecôte, ils étaient tous ensemble dans le même lieu. Tout à coup il vint du ciel un bruit comme celui d’un vent impétueux, et il remplit toute la maison où ils étaient assis. Des langues, semblables à des langues de feu, leur apparurent, séparées les unes des autres, et se posèrent sur chacun d’eux. Et ils furent tous remplis du Saint-Esprit, et se mirent à parler en d’autres langues, selon que l’Esprit leur donnait de s’exprimer. » (Actes 2:1-4)
Loin de lancer contre le micro une cabale ou procès de sorcellerie, il est toujours bon de se souvenir qu’il nous prive de l’art oratoire, et de la découverte – pourquoi pas ? – d’un nouvel aigle de Meaux. La rhétorique a perdu son importance au séminaire même, pourtant Notre Seigneur lui-même n’excellait-il pas dans cet art ? Les foules qui l’écoutaient dépassaient bien largement celles de nos églises, et ses enseignements ont pourtant traversé les siècles. Sans micro.
En passant à Notre Dame de Paris, attardez-vous sur la chaire. Vous n’aimeriez pas, vous, qu’on nous rende Bossuet ?