Le crime de Chard

Par Camille Galic

Dans un milieu volontiers ramenard, le drame de Chard est d’être si réservée qu’elle en est parfois mutique malgré son immense culture — dans les plus étonnants domaines comme j’ai pu le mesurer en près d’un demi-siècle d’amitié. Quant à son crime, il est rédhibitoire : elle est à elle seule un concentré de mal-pensance. Elle avait pourtant tout pour réussir dans la Médiaklatura. Fille de parents artistes, sœur d’un futur architecte-archéologue spécialiste de l’art khmer, élève à l’Ecole alsacienne, cette Germanopratine aurait dû être un parangon de radical chic, comme disent les Américains. Mais c’était compter sans son horreur des dogmes imposés et son réalisme qui la protège de toute illusion rousseauiste sur la bonté de l’homme et les bienfaits infinis du multiculturalisme. A Alain Sanders qui, dans un « Spécial Chard » publié en 2014 par le quotidien Présent — auquel elle collabore depuis le premier numéro — lui demandait en qui elle aimerait être réincarnée, elle répondait ainsi : « Comme vous voudrez, du moment que c’est dans la race blanche. » Indécrottable ! Et donc infréquentable alors qu’étant la seule femme caricaturiste politique, et pas seulement en Europe — ne parlons pas de la Coco de Charlie Hebdo, analphabête du dessin —, elle devrait être portée aux nues et couverte de prix, d’autant que sa palette est très vaste. Qui rééditera son superbe album Au fil de l’Achéron, un chef d’œuvre du fantastique encensé par Pierre Gripari ?

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Préfaciers des recueils de dessins de Chard (Le Chardnaval de la Vème, Le Chardnaval socialiste, De droite à gauche, Ma Déclaration des Droits de l’homme, etc.) publiés par Rivarol, dont elle reste un pilier, Jean-François Chiappe, Jean Raspail et Ghislain de Diesbach ont vanté sa vista, l’élégance de sa ligne, l’acuité de son trait et son sens politique. Dans caricature il y a charge ; pourtant, Chard charge à peine ses « victimes », qu’il s’agisse de politicien(ne)s ou de racailles de banlieue, mais elle fait pire. Par une expression du regard, une torsion des mains, elle exprime leur être profond, en digne héritière des Caran d’Ache et des Forain. Et le résultat est dévastateur.

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