Aftersex selfies: pour vivre heureux, bai… cachés !

#Aftersex, les photos selfies après l’amour : entre tendance absurde et délire narcissique.

 Connaissez-vous les #aftersex selfies ? Cette nouvelle “tendance” qui a envahi Instagram consiste à publier une photo de soi après l’amour. Ridicule ?

Notre chroniqueuse érotique Camille Emmanuelle avoue être dépassée par l’intérêt du concept. Explications.

Si vous suivez l’actualité des réseaux sociaux, vous avez peut être entendu parlé de cette semaine d’une nouvelle tendance, le “sexselfie”. Le principe : des couples se prennent en photo, façon “selfie” juste après l’amour, et la postent sur Instagram, avec le tag #aftersex. Des milliers de photos ont déjà été postées.

 

 Animal triste post coïtum ? Non non, animal connecté post coïtum. Je ne voudrais pas faire ma vieille réac’, mais… c’est moi ou cette “tendance” est complètement conne ?

 

La “tendance” #aftersex qui me dépasse

Mea culpa, mea maxima culpa, je me suis aussi mise au truc des selfies. Avec des potes en soirée, ou encore des sourires ou des grimaces envoyés à mon copain, quand on est séparés. J’ai même envoyé, hier, un selfie à ma mère, pour lui montrer la couleur de mon nouveau vernis. Du “selfie” dans toute sa splendeur, plus girly tu meurs.

Mais là, la tendance #aftersex me dépasse, et ceci pour plusieurs raisons.

D’une part, je me pose la question de la pertinence du moment choisi pour le selfie. Après une jolie partie de jambes en l’air, et d’autant plus après l’orgasme, on est dans un drôle d’état. On se sent comme dans du coton, et comme dans une bulle, hors du temps et de l’espace.

Plus on a pris de plaisir, plus on a partagé un instant de désir intense, plus cet état est fort, et long. L’impression que le monde extérieur a disparu, qu’il n’y a plus que deux êtres, nus, enlacés.

Ce passage, de l’excitation intense au retour au calme, est aussi cool que le sexe en lui-même. C’est un instant intime extrêmement précieux, pendant lequel on explore tout un tas d’émotion, de la joie à la tristesse.

Nos corps, vivants, alertes, emplis d’hormones, accueillent les sensations, tandis que nos esprits se refont le film érotique de ce qui vient de se passer. On peut être tout rouge, en sueur, les cheveux en vrac, avec du sperme, ou des émissions féminines sur le corps, on s’en moque.

Donc à quel moment exactement on sort : “attends chéri(e), surtout ne bouge pas, je prends mon smartphone, je nous prends en photo, et je la poste sur Instagram. Recoiffe-toi quand même un peu là, tu ressembles à rien. Des tas d’inconnus et tous mes potes vont voir cette photo, donc faut qu’on soit beaux.”

Certes, parfois nous nous endormons juste après le sexe, ou le quotidien se rappelle à nous de façon pressée (une douche à prendre, des enfants qui crient à côté, un coup de fil urgent). Je ne dis pas qu’il faut “sacraliser” le post-sexe. Mais de là à faire rentrer un smartphone, et la population internaute mondiale dans son lit, il y a un pas à franchir.

Par ailleurs cette exposition publique de l’intimité me dérange. Le sexe, autrefois caché, diabolisé, honni par la société traditionnelle et religieuse, est aujourd’hui, Dieu soit loué, considéré comme une source d’épanouissement personnel et amoureux. Nous sommes passés du sexe procréatif au sexe récréatif, et c’est tant mieux.

Mais l’effet pervers de ce progrès est malheureusement un certain culte de la performance, et un discours médiatique parfois culpabilisateur, que je résumerais par : si vous n’avez pas trois orgasmes par nuit, 27 sex toys dans votre placard, et trois amants de disponibles, vous êtes complètement “out”.

Là, ce sont des anonymes, via un réseau social et à travers l’image, qui prennent la parole sur leur bonheur sexuel apparent. Que veulent-ils nous dire ? “Regardez-nous, on a baisé ? Regardez comme on est heureux, en couple ?” Rien de nouveau sous le soleil d’internet, c’est la suite logique de la mention Facebook “en couple avec”, et des photos de vacances, à deux, sur la plage, partagées sur Instagram, Flickr et compagnie. Comme si l’amour, le désir, l’intime n’avaient de valeur que s’ils étaient affichés.

 

Un délire narcissique sexuel poussé à l’extrême

Mais avec #aftersex, on franchit une étape, dans le délire narcissique amoureux, puisqu’à présent il ne suffit plus de montrer qu’on a mangé un super burger avec sa copine, ou qu’on est partis à Florence en week-end, il faut également montrer à la communauté qu’EN PLUS, on baise. Je parle de narcissisme, mais Narcisse, lui, n’a pas besoin des autres pour s’aimer lui même… Or ici on réclame des “petits cœurs” sur Instagram pour se rassurer sur sa sexualité. Serait-ce parce qu’on ne trouve pas cette assurance en soi, ou dans le regard de celui qui partage notre lit ?

Chers internautes, le sexe est un des rares territoires de jeux, pour adultes, où nous pouvons êtres libérés du culte de l’apparence, et où nous pouvons enfin faire tomber le masque social.

Pour vivre heureux, baisons donc cachés !

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