Booba, notre plus grand poète vivant?!

Le caïd du rap français, Booba, bat tous les records d’obscénité avec ses textes ultraviolents. Les intellos et les littéraires adorent. Que lui trouvent-ils?

Né en 1976, Elie Yaffa grandit dans les Hauts-de-Seine. Il est élevé par sa mère, secrétaire, blanche de peau. Son père est sénégalais, mais absent. En classe, il est nul en tout, sauf en anglais.

Je ne suis qu’un parasite, évadé du collège.
Tu vas devenir raciste quand je vais te braquer ta Rolex
T’en parleras à tes collègues
Qui vont le devenir aussi.
Mais moi je m’en bats les couilles, je donnerai l’heure à tout mon posse.

En septembre 2011, Jean Birnbaum commençait son éditorial du «Monde des Livres» avec un aveu qui a pu surprendre quelques lecteurs: «Il n’y a pas si longtemps, j’écoutais Booba en marchant dans la nuit…» Le directeur du supplément littéraire comparait le gangsta rappeur bodybuildé à Léon Bloy et louait sa «prose obscène». Il citait quelques vers du poète, tirés de ses premiers morceaux («Enfance insalubre, comme un foetus avec un calibre…»), choix de connaisseur qui révélait le vrai «boobo», le bobo pro-Booba. […]

Citer Booba dans “le Monde des livres”, c’est tout de suite interprété comme une provocation, dit-il. Certains ont trouvé ça courageux. D’autres n’y ont vu qu’une tentative grotesque d’ouverture à une sorte de sous-culture. Les deux positions sont stupides. Booba fait tout simplement partie de mes auteurs de référence. On revient toujours à quelques textes, quelques auteurs qui nous structurent. C’est un peu ridicule, de dire j’aime Barthes, Bernanos et Booba. Mais, pour moi, c’est important. Je l’ai énormément écouté, plagié même. […]

L’écrivain d’extrême droite Renaud Camus trouverait chez Booba de quoi alimenter sa crainte de la «contre-colonisation», quand il dit: «Les colons nous l’ont mise profond/A l’envers on va leur faire», «Clic, bam ! Un colon saigne» (ici, le Blanc est assimilé au colon), ou: «Quand je vois la France les jambes écartées, je l’encule sans huile.» Booba n’est pas black-blanc-beur. […]

Il pousse l’éthique racaille dans ses derniers retranchements: apologie du terrorisme («Ils veulent qu’on dégage/Après ces fils de putes s’étonnent quand il y a des clous dans des bouteilles de gaz»), de la haine anti-flic («J’aime un keuf quand son slip jaunit», «J’ai le sourire/Comme à l’enterrement d’un flic»), du trafic de drogue, de l’homophobie; hostilité postcoloniale («Et pour les gros harkos, des grosses bastos»); séparatisme racial («Les toubabs veulent arracher le fusil de mon berceau», «C’est pour les frères beurs ou marrons»); refus de la réinsertion (tout simplement: «Nique sa mère la réinsertion»).

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