Contrairement à ce qu’on croit, la culture québécoise n’est pas dominée par le romantisme, l’idéalisme ni même le lyrisme, entendus comme autant de caractéristiques qui la déconnecteraient du réel. En vérité, le trait constitutif de sa manière de voir, de sentir et de penser, c’est le prosaïsme.
La recherche de simplicité, l’attention accordée à la présence sensible des êtres et des choses, l’amour pour les situations modestes et les minuscules destins, l’attachement au sens commun, telles sont les valeurs qui règnent au pays de la vie ordinaire. Il ne saurait être question d’y renoncer, mais bien de voir le danger d’insignifiance que court toute culture qui n’obéit pas aussi à des idéaux qui nous arrachent à nous-mêmes, qui ne cherche pas le supplément de sens que procure la contemplation d’un monde autre, perdu ou à venir.
Lecture attentive de la grande et de la petite histoire de ce pays ainsi que de sa littérature, cet essai brosse le portrait de l’homme québécois moyen dont le défi, qui est aussi celui de l’Occident, consiste à supporter la tension entre Sancho Pança et son maître, entre l’horizon prosaïque et le goût du vertige et de la verticalité.
L’honnêteté intellectuelle et la bienveillante ironie de l’essayiste – qui se définit comme un généraliste formé par la littérature et qui avoue se reconnaître dans cet homme moyen -, la sobriété de sa prose et de sa pensée en font un guide sûr pour voyager dans un pays où la vie ordinaire est pour les uns un point d’arrivée et pour les autres un point de départ.