Marie-Caroline, archiduchesse d’Autriche, monta sur le trône de Naples. Sœur de Marie-Antoinette, elle voua une haine inextinguible à la France après la décapitation de sa sœur et fut l’ennemie la plus farouche de Napoléon. Amable de Fournoux nous entraîne dans une fresque passionnante sur les pas de ce personnage controversé de l’histoire. Son ouvrage, Marie-Caroline reine de Naples, publié aux éditions Pygmalion, nous fait revivre avec talent et passion les bonheurs et les malheurs de ces quarante-six ans de règne.
— Quelles relations entretenaient Marie-Caroline et sa sœur, la reine de France Marie-Antoinette ?
— Cadettes d’une grande fratrie de seize enfants, Marie-Caroline et Marie-Antoinette ont connu une jeunesse très heureuse, tant à la Hofburg qu’à Schönbrunn. Bien que de caractères différents – l’une douce, l’autre dominatrice – elles formaient un duo espiègle et inséparable, souvent réprimandées par leur mère, la grande impératrice Marie-Thérèse. Dès son départ pour Naples, Marie-Caroline se désolait de leur séparation. Quand Marie-Antoinette épousa le dauphin de France en 1770, les deux sœurs furent autorisées à échanger une correspondance qui, malheureusement, n’a jamais été retrouvée. Le calvaire abject infligé plus tard à sa petite sœur marqua à jamais l’esprit de Marie-Caroline. Jusqu’alors ouverte aux idées nouvelles, elle voua une haine tenace à la France et à la Révolution. Dans son cabinet de travail, elle griffonna sur un portrait de la suppliciée : « Je poursuivrai ma vengeance jusqu’au tombeau ».
— A l’été 1799, Marie-Caroline ordonna à Naples une répression sanglante contre les libéraux républicains qui les avaient évincés de leur trône, elle et son époux, le roi Ferdinand IV. Cette brutalité fut-elle la seule cause de l’image de « femme abjecte, sans foi ni loi », qu’elle a laissée à la postérité ? Et quels arguments avancez-vous en sa faveur dans votre ouvrage de réhabilitation ?
— Oui, l’image d’une « furie » tient à ce que Marie-Caroline s’est montrée résolue dans sa détermination à réprimer le mouvement libéral, seulement soutenu à Naples par une partie de la classe « éclairée », le peuple étant farouchement contre. On peut comprendre que les souverains napolitains aient voulu reprendre leur couronne, dont ils avaient été dépossédés par des troupes étrangères qui avaient massacré des milliers de Napolitains. Il s’est produit là un peu le contraire de ce qu’a connu la France.
Quant à la répression elle-même, il faut remettre les choses à leur place : avec une centaine d’exécutions et environ un millier de condamnés à des peines diverses, on est bien loin de la Terreur française avec ses dix-sept mille guillotinés ! Soulignons aussi que la reine est intervenue à plusieurs reprises pour sauver ses amis d’hier. Comme l’a écrit Mme Vigée-Lebrun, Marie-Caroline était une personne généreuse et non la mégère caricaturée par les Jacobins.
— Quelle grand-mère fut-elle pour l’Aiglon, fils de cet homme qu’elle haïssait et qui épousa, ironie de l’histoire, sa petite fille Marie-Louise ?
— « Il ne manquait plus que cette calamité, devenir l’aïeule du démon ! » : c’est par ses mots que Marie-Caroline salua la nouvelle de la naissance de son premier arrière-petit-fils, le roi de Rome, fruit des amours de Marie-Louise, l’aînée de ses petites-filles, et de son pire ennemi, Napoléon. Les hasards de l’histoire ont voulu que trois ans plus tard, en 1814, retirée à Vienne au soir de sa vie, elle connût sa dernière vraie joie en découvrant cet enfant qui avait fui la France avec sa mère. Elle s’attacha à celui qu’elle appelait « Mon petit Monsieur » et qu’elle comblait de caresses. Du coup, son aversion envers Napoléon le proscrit se transforma en compassion, au point qu’elle poussa l’insouciante Marie-Louise à rejoindre l’empereur. Il fallait que Marie-Louise attachât les draps de son lit à sa fenêtre et s’échappât sous un déguisement !
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