“Il n’y a pas plus scélérat qu’une loi qui promeut le nivellement par le bas et organise la destruction de l’enseignement des humanités. Car on sacrifie en même temps l’avenir des élèves et celui de notre culture. Quand plus personne ne sera capable de transmettre la littérature française ou d’orthographier correctement la langue française, elles disparaîtront. Et le saccage continue car, comme nous le révélons dans ce numéro, les «experts» du ministère commencent déjà à imaginer le «Lycée unique» (qu’ils appellent Lycée pour tous). Et à l’école maternelle et primaire, le désastre est déjà bien engagé, ils veulent continuer à faire leur métier. Alors oui, beaucoup sont décidés à saboter la réforme en continuant à faire, sous les étiquettes bariolées de l’interdisciplinarité et du travail en groupe, les cours magistraux qui sont au cœur de ce métier quoi qu’en disent les adeptes des fanfreluches pédagogiques. Et si pour cela, ils doivent ruser avec l’institution qu’ils représentent – comme l’ont fait les parents d’élèves avec le latin, l’allemand et les classes bi-langues -, eh bien qu’ils rusent! Je suis convaincue qu’au-delà des clivages politiques, une grande partie de la France est avec eux.
(..) Les parents et les profs ont tout compris ; ils savent que la réforme du collège et celle de l’orthographe sont deux facettes d’une seule et même entreprise: puisque, sous couvert d’offrir l’excellence à tous, ce qui est un oxymore et une tromperie, on a renoncé à la méritocratie républicaine, on va faire disparaître tout ce qui ressemble à de l’excellence, c’est-à-dire à la possibilité qu’ont certains élèves d’être meilleurs que les autres. Ce faisant, on brime les bons élèves et on empêche les moyens et les médiocres de progresser. Bref, en fait d’excellence pour tous, c’est l’excellence pour personne. Tout ça bien sûr, avec les meilleures intentions. Il s’agit de faire en sorte que les élèves les plus pauvres ne soient pas défavorisés. En réalité, pardonnez-moi l’expression, mais on les prend vraiment pour des cons. Le mépris enrobé de compassion: c’est cela le plus révoltant.”
Elizabeth Lévy