Ces entreprises qui chassent les vidéos virales pour en faire de l’or!

Une véritable industrie s’est montée pour faire fructifier les images d’amateur qui fourmillent sur Internet. Zoom sur cette lutte acharnée qui vise à dénicher les pépites qui feront des millions de vues YouTube. De la vidéo du crash à Taipei au chat qui sauve un bébé d’un chien, les images “amateur” sont légion sur YouTube. Ce sont de véritables pépites disséminées aux quatre coins du Web. Un parachutiste épileptique sauvé en plein saut, un pitbull géant de 78 kg, un avion qui s’écrase dans une rivière à Taipei… Les vidéos “amateur” qui fourmillent notamment sur YouTube représentent des milliards de vues. Conscientes de cette manne potentielle, des entreprises se sont spécialisées dans l’achat et la vente des droits de ces images.

Cette nouvelle ruée vers l’or viral a ses pionniers. Ces entreprises s’appellent Viral Spiral (rachetée en 2014 par le groupe Rightster), Jukin Media, ou encore Viral Hog. Un phénomène qui n’a pas échappé à ceux qui scrutent les plateformes de vidéo en ligne au quotidien. “Il y en a de plus en plus, note Sylvain Chatelain, chargé de la vidéo sur le site du Figaro. On les voit éclore depuis quelques années, mais surtout depuis un an”, estime-t-il.

“C’est un métier de chasse, explique Mathieu Luquet, responsable du développement France chez Rightster. Concrètement, les équipes comme celles de Viral Spiral font en permanence la chasse aux vidéos à fort potentiel sur le Web et en achètent les droits à ceux qui les ont publiées.” Pour cela, elles s’appuient sur des algorithmes développés en interne et le flair de leurs chasseurs de buzz. Et se livrent une lutte acharnée pour tirer le meilleur des 300 heures de vidéo mises en ligne chaque minute sur YouTube.

Leur objectif est simple: trouver un contenu prometteur, mais encore relativement peu vu -disons qu’il a été vu quelque milliers de fois- et en faire un carton. “Evidemment, il y a une part de risque: on ne sait pas jusqu’où va aller une vidéo”, complète Mathieu Luquet. L’expérience et les données accumulées au fil du temps permettent néanmoins de minimiser les risques.

Il s’agit là d’une activité à part entière, encore différente du rôle des networks (réseaux) qui ont été créés pour accompagner les YouTubers. Ici, les entreprises et les créateurs de contenus n’ont qu’un échange ponctuel, le temps de signer un contrat dans le but de répartir les bénéfices publicitaires de la vidéo concernée.
“C’est gagnant-gagnant”, nous explique-t-on chez Jukin Media, puisque l’internaute va tirer de l’argent de sa vidéo. On refuse néanmoins de nous dire quel est sa part et celle de l’entreprise. Celui qui poste la vidéo gagnerait de toute façon “plus que s’il n’avait pas eu affaire à nous”, jure-t-on. Un discours plutôt crédible, puisque ces sociétés ont des ressources que l’internaute lambda n’a pas pour qu’une vidéo soit vue et par la même occasion rentable:

elles ont les moyens de faire de la promotion (payante) pour une vidéo,
elles ont des partenariats avec des médias qui intègrent leurs vidéos dans des articles,
d’autres médias Internet ou audiovisuels achètent directement tout ou partie des droits de vidéos pour pouvoir les exploiter à leur profit.

La force de ce modèle est en fait de mettre face à face des images qui peuvent potentiellement faire des millions de vues et des médias qui n’attendent que ça. “Ces deux business se nourrissent plutôt bien l’un l’autre, note le patron de Jukin Media Lee Essner dans une interview au site californien SoCalTech. Quand le Today Show [une émission de télé américaine, ndlr] poste l’une de nos vidéos, cela fait monter le nombre de vues YouTube. Et quand nos vues YouTube grimpent, les demandes d’utilisation commerciale de nos images augmentent aussi.” Preuve que ce modèle fonctionne, l’entreprise totalise plus de 5,3 milliards de vues sur son catalogue de plus de 50 000 vidéos.

La logique qui sous-tend ce modèle n’est pas nouvelle. Des sites spécialisés en vidéos buzz et zappings insolites comme Spi0n en font leur miel depuis des années. Les médias web et télévisés aussi. La différence, c’est que les nouveaux acteurs spécialisés achètent des droits à ceux qui postent les images “amateur”. Interdit, donc, de les exploiter gratuitement par la suite. Plusieurs rédactions ont eu le droit à des rappels à l’ordre de leur part ces derniers mois.

“Ca ne change pas grand chose pour nous. Sous licence ou pas, les vidéos appartiennent à leur auteur”, assure Sylvain Chatelain du Figaro. La réalité est en fait plus contrastée. Sous couvert de réaliser des zappings ou en se réclamant du droit de citation, les médias ont pris l’habitude de franchir massivement la ligne rouge. Heureusement pour eux, un internaute isolé est mal armé pour faire valoir ses droits -contrairement aux grands ayants droit qui ne se laissent pas faire.

D’une certaine manière, les firmes comme Rightster, Jukin Media ou Viral Hog défendent les droits de ceux qui diffusent des images “amateur” -tout en réalisant de juteux bénéfices au passage. “Il y a une vraie industrie qui émerge en marge de YouTube, un secteur économique en pleine expansion, reconnaît-on chez Google France. En général, ces agences jouent un rôle plutôt vertueux. Il faudrait néanmoins connaître le détail des contrats pour se prononcer sur un cas particulier”.

Un effet pervers se dessine néanmoins: voir les vidéos bien “formatées” écraser l’ensemble des créations. Chez Google, on fait valoir que “l’immense majorité” du contenu continue de circuler de manière naturelle. La liste des vidéos les plus vues en 2014 montre néanmoins qu’il devient difficile, voire impossible, de cartonner sans l’aide d’un tiers.

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