Extrait de la tribune livrée ce jeudi par Philippe Maxence, rédacteur en chef de L’Homme Nouveau, au Figaro sur la première année du pontificat du Pape François :
(…) pour exister, la papauté opère (entre la perte des États pontificaux en 1870 et les accords du Latran de 1929 puis après, ndlr) un double mouvement qui, schématiquement, consiste d’une part en un renforcement de son rôle spirituel et d’autre part en une personnalisation croissante du pouvoir pontifical. Ce dernier point est alors facilité par la disparition concomitante des autres monarchies. De ce fait, les catholiques, orphelins d’un roi temporel, se tournent plus volontiers vers cet autre et ultime monarque, lequel est d’autant plus sublimé qu’il est un roi dont le pouvoir est devenu essentiellement spirituel, dégagé lui-même de toute pesanteur temporelle. La disparition des États pontificaux et du pouvoir temporel signe la fin de la chrétienté qui s’appuyait jusqu’ici sur le lien organique entre les deux pouvoirs, celui du prince et celui du pape. Un double déséquilibre s’est créé : le pouvoir chrétien temporel a disparu; le pouvoir temporel papal a été réduit à sa plus simple expression. La chrétienté claudique désormais sur un pied (le pape) qui va devoir par lui-même compenser ce déséquilibre historique.
Désormais, il reste le pape. Le pape seul ! Peu à peu, les pontifes romains en prennent conscience et cherchent un autre mode de rapport au monde. (…)
Loin d’apporter une rupture avec la personnalisation de la fonction papale, François lui a donné une nouvelle vigueur, avec un génie de la communication qui repose sur des phrases chocs qui parlent au cœur de tous. Le Pape est ainsi audible. Est-il réellement entendu, au-delà de l’émotion première suscitée par son propos ?
C’est une autre question et il est trop tôt pour évaluer la portée de son discours. En revanche, contrairement à Pie XII, et d’une certaine manière à Jean-Paul II, la focalisation sur la personne même du pape ne vise visiblement pas à faciliter la transmission de la doctrine de l’Église, mais à couvrir un élargissement collégial de l’exercice de l’autorité au sein de l’Église. Arrive-t-on ainsi à l’ultime paradoxe de l’évolution de la papauté en situation de modernité : reposer de plus en plus sur les charismes d’un homme pour diluer son pouvoir personnel dans une collégialité plus en résonance avec l’ère démocratique dans laquelle nous vivons ?
(…) Sommes-nous donc au terme d’un processus qu’illustre bien l’usage, imposé de haut, du simple nom de François, celui d’une personne plutôt que le symbole d’une fonction ? On disait naguère de Pie XII qu’il avait fait disparaître sa personnalité dans sa charge, fidèle en cela à la conception classique du pouvoir. Mais n’est-ce pas aussi l’inverse qui s’est produit ? Peut-on dire que, de son côté, François absorbe la charge dans sa personne ?
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