Le slogan de Paris pour la désignation de la capitale olympique, en 2024, s’est affiché sur la tour Eiffel : «Made for sharing». On est sincèrement désolé pour ceux qui s’échinent à faire apprendre le français aux enfants des écoles. Ils n’ont qu’à faire comme tout le monde : baragouiner le franglais, ce méli-mélo des élites mondialisées pour qui le top du top consiste à parler comme le boss d’une start-up de San Francisco, là où se dessine le sort du monde de demain. C’est ainsi : la langue de Molière est out, celle de Trump est in. Tout le reste n’est que divagation d’esprits convaincus qu’avant c’était mieux, comme le dit Libération à propos du philosophe Jean-Claude Michéa, forcément archaïque puisqu’il ose critiquer la bible des bobos.
Donc, pour la première fois de son histoire, la France olympique ose un slogan anglais. Une déclinaison traduite («Venez partager») sera utilisée pour les analphabètes, mais pas trop, car, si l’on veut être entendu du monde des décisionnaires, il faut parler la seule langue qu’ils comprennent peu ou prou, et non un dialecte en voie de disparition – du moins aux yeux de certains.
Pour mémoire, on rappellera que le français est l’une des deux langues officielles du Comité international olympique (avec l’anglais) et qu’il a même longtemps été la seule. Tel est l’héritage du rôle joué par le baron Pierre de Coubertin, fondateur des JO, qui a permis à la langue de Molière de s’installer aux quatre coins du monde olympique, sans aucune vocation impérialiste. L’essor de la mondialisation du fric et de tout ce qui rentre dans le sac de sport de ses VRP (les valeurs, la culture, la mode) a changé la donne. Désormais, au nom de l’air du temps, il faut rentrer dans le rang et accepter le règne de la langue unique, à l’instar de la pensée du même acabit.