Jean Barnery est l’héritier de la plus belle fabrique de porcelaines de Limoges. Mais ce jeune homme exigeant a choisi une autre voie et il est devenu pasteur. Il a été nommé à Barbezac en Charente où l’austère bourgeoisie protestante lui a fait bon accueil. Il vient du même monde.
Il s’est lié avec M.Pomerel, qui dirige une maison de cognac où la qualité du produit guide tout. Son mariage avec Nathalie est un échec : la jolie jeune femme est considérée comme trop gaie, voire frivole. On lui a prêtée une liaison, qui n’existe pas, mais elle a été imprudente. Alors M.Pomerel a été inflexible et a indiqué à Jean qu’il devait renvoyer sa femme à Limoges.
Dans cette ville catholique, la petite communauté protestante est attentive à sa réputation : « On nous regarde ». Jean se laisse faire. Il est vrai qu’il n’aime pas Nathalie.
Mais M.Pomerel accueille chez lui Pauline, une nièce venue de Paris. Le destin de Jean va basculer.
Les destinées sentimentales ont été préalablement écrites en trois petits volumes : La femme de Jean Barnery, Pauline, Porcelaine de Limoges. Jacques Chardonne les a regroupés après la guerre en un seul livre.
C’est le roman emblématique de cet auteur délicat, tout en nuance. L’action coule lentement, comme la Charente, pays de l’auteur. Barbezac étant Barbezieux, sa ville natale. Les hommes réfléchissent et travaillent. Dans le cognac comme dans la porcelaine, on prend son temps pour élaborer de beaux produits, minutieux et soignés. Chardonne aussi. Dialogues et réflexions sont finement ciselés, chaque mot est à sa place.
Les femmes sont très présentes : graves et consciencieuses, elles sont les piliers de ces familles bourgeoises, où aucun écart n’est toléré. Elles s’ennuient souvent mais elles l’acceptent.
Le lecteur, lui, ne s’ennuie pas. Cette vaste réflexion sentimentale est agrémentée de beaux passages sur les mondes du cognac et de la porcelaine que Chardonne sait nous rendre vivants. Jean devra aussi faire la guerre de 14, racontée brièvement mais de façon originale.
L’aura de Chardonne fut importante, et Roger Nimier venait souvent le voir avec déférence, ce qui était rare chez lui, car il représentait le contraire de la littérature engagée qui dominait alors les lettres.
Un roman subtil au style d’orfèvre.