Irak/ De hauts responsables chrétiens mettent en vente le patrimoine religieux

Selon une enquête publiée par Hassan al-Saeedy pour le site d’information AlArabiya.net, plusieurs églises irakiennes ont été mises en vente ces derniers temps, en particulier pour être converties en centres commerciaux ou résidentiels. C’est un ex-député chrétien au Parlement irakien, Joseph Saliwa, qui a éventé le scandale des opérations immobilières et dénoncé ce qu’il qualifie d’« insulte à l’histoire de l’Irak ». Saliwa s’était fait remarquer en 2017 en affirmant qu’une grande majorité des chrétiens irakiens souhaitent obtenir l’autonomie de leur province ainsi que le retour des juifs chassés d’Irak par les « générations précédentes dignes de Daesh ». Plus récemment, à la suite d’une fatwa émise par deux religieux, un sunnite et un chiite, et visant à interdire aux musulmans de participer aux fêtes chrétiennes de fin d’année, il a qualifié les deux hommes de « suppôts de l’Etat islamique ».

Sans mâcher ses mots, dans un communiqué adressé à la presse, il a vivement pris à partie les responsables du clergé chrétien accusé d’être « effectivement complice et partie de la vente et de la destruction des églises en Irak », et dénoncé le fait que le clergé, à son plus haut niveau, ait accepté officiellement la conversion de l’église syriaque catholique de la Vierge Marie, paroisse du quartier chrétien historique de Shorja à Bagdad fondée en 1834. Selon l’ex-parlementaire, cet acte est contraire aux règles en vigueur qui interdisent formellement la vente des lieux de culte, lesquels ne peuvent qu’être loués selon certaines conditions.

Des communautés chrétiennes abandonnées

De la même façon, l’église de la Sagesse Divine de Adhamiya et le couvent des moines syriaques catholiques de Dora sont également proposés à la vente. Toujours selon Saliwa, « de nombreux biens appartenant au clergé ont déjà été vendus mais on ignore ce qu’est devenu l’argent ». Il a mis en cause la corruption et la collusion de plusieurs membres importants du clergé qui, selon ses dires, ont profité des drames soufferts durant près de dix ans par les communautés chrétiennes, avec l’avance de Al-Qaïda et de groupes affiliés à Bagdad, Basra et Babil, puis plus violemment encore avec la prise de Mossoul et de la plaine de Ninive par les forcenés de l’Etat islamique.

Ces communautés chrétiennes ont été victimes de harcèlement, de meurtres, d’enlèvements, de déplacements et de vente forcée de leurs biens, sans que les autorités n’en fassent cas, et c’est dans ce cadre qu’aurait eu lieu la vente illicite d’églises momentanément désertées par des représentants importants de l’église locale et plus particulièrement par le cardinal syriaque catholique Louis Raphaël Sako, nommément désigné dans le communiqué.

Joignant sa voix à celle de Joseph Saliwa, le professeur d’histoire et docteur Zine Elabidine al-Jaafar, a rappelé que l’église syriaque catholique de la Vierge Marie est une des plus anciennes du quartier de Shordja, située entre l’église de la Mère des Douleurs et celle, copte, de la Vierge Marie. Craignant que l’accélération de ces ventes de biens consacrés ne conduisent à « l’effacement pur et simple de l’histoire du christianisme en Irak », il a lancé un appel au gouvernement et au ministre de la Culture afin que les autorités mettent un terme légal à ces atteintes au patrimoine religieux et historique irakien, et demandé qu’il soit officiellement reconnu comme un héritage culturel public afin de préserver « les vestiges de l’héritage syriaque qui constitue un des chapitres majeurs de l’histoire de notre pays ».

Sophie Akl Chedid – Présent

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