L’émission «L’heure des pros» sur CNews a été le théâtre d’échanges tendus : Laurent Joffrin a livré un contre-argumentaire à Patrice Quarteron, qui assure que les jeunes de banlieue disent «Fuck Charlie», et aux sombres prédictions d’Ivan Rioufol.
Entre angélisme et catastrophisme, le ton est monté sur le plateau de l’émission L’heure des pros présentée par Pascal Praud sur CNews, le 12 janvier. Invités à débattre sur le thème explosif des banlieues, Ivan Rioufol, éditorialiste au Figaro, Patrice Quarteron, champion de boxe thaï originaire de Sevran et entraîneur à Grigny (Essonne), et Laurent Joffrin, directeur de la rédaction de Libération, ont confronté leurs opinions au sujet des jeunes qui y vivent. Au cœur des échanges, parfois tendus : leur supposée «haine» de la France et leur rapport à Charlie Hebdo.
Laurent Joffrin et Patrice Quarteron sur le ring
Ca m’énerve, le problème est que vous n’avez jamais vécu dans une cité, merde
Alors que Patrice Quarteron partage son expérience concernant la «mentalité» des jeunes de banlieue, qui globalement ne seraient pas solidaires avec les victimes des attentats de Charlie Hebdo ou de l’Hyper Cacher, Laurent Joffrin conteste son témoignage. En journaliste consciencieux, le patron de Libération suggère une «enquête plus approfondie». «Est ce que tout le monde est comme ça dans les cités ?», se demande-t-il. L’athlète, ulcéré par ce qui constitue selon lui une vision angélique de la banlieue, hausse alors le ton : «Ca m’énerve, le problème est que vous n’avez jamais vécu dans une cité, merde.» Et le sportif d’enfoncer le clou : «C’est la vérité, je vous dis les choses telles qu’elles sont… Vous dites “non c’est pas vrai” !»
Battant en retraite devant la véhémence des propos, Laurent Joffrin poursuit prudemment et cite ses sources : «Je viens de lire un livre de deux journalistes du Monde sur Trappes. Je ne suis pas de la cité, j’habite à au centre de Paris, je n’ai pas qualité à parler.»
Il y a beaucoup de gens notamment parmi les musulmans qui s’inscrivent en faux et qui cherchent à défendre des valeurs communes républicaines, il y en a énormément
Le directeur de la rédaction du journal de gauche concède, évoquant le livre en question : «Autant les réalités dont on parle, le communautarisme, l’enfermement, la poussée intégriste et l’hostilité envers Charlie… Tout cela est vrai, il n’y a pas de question, qui le nie vraiment ?» Avant d’ajouter, au sujet de la ville de Trappes : «Il y a beaucoup de gens notamment parmi les musulmans qui s’inscrivent en faux et qui cherchent à défendre des valeurs communes républicaines, il y en a énormément.»
Contre la «bien-pensance», une vision apocalyptique des banlieues ?
Il y a maintenant depuis 20 ou 30 ans une contre société qui s’établit et se consolide, qui ne partage pas les mêmes valeurs que la société d’accueil
Outre répondre à Patrice Quarteron, Laurent Joffrin entendait remettre en cause la lecture sombre de la banlieue proposée par l’éditorialiste du Figaro, Ivan Rioufol, qui estime pointer du doigt des vérités au sujet de la banlieue depuis des décennies – et déclare recevoir pour cela un constant flot d’insultes. «Il y a maintenant depuis 20 ou 30 ans une contre-société qui s’établit et se consolide, qui ne partage pas les mêmes valeurs que la société d’accueil», avait mis en garde le journaliste du quotidien de droite, plus tôt lors de la même émission. «Et ceci porte maintenant des risques de frictions, voire des risques d’affrontement civil, voire même des risques de guerre civile», s’était-il alarmé.
Le présentateur, Pascal Praud, lui avait alors fait remarquer qu’il s’agissait d’une thèse défendue par le fameux polémiste Eric Zemmour. Ce à quoi Ivan Rioufol avait répliqué : «C’est la thèse de beaucoup de ceux qui sont réalistes.» Pour la plume du Figaro, «il y a une telle haine portée par cette contre-société vis-à-vis de la société d’accueil, on l’a bien vu à travers les actes terroristes qui ont consisté à voir des jeunes des cités venir tuer des jeunes de villes». Un propos contesté par le présentateur, car, faisait-il valoir, rien ne vient attester les propos d’Ivan Rioufol à l’examen des faits.
Le témoignage d’un enfant des banlieues sur le sentiment anti-Charlie
90% des gens avec qui je parlais disaient “Fuck Charlie”
Auparavant, Patrice Quarteron s’était plaint d’avoir été traité de tous les noms sur les réseaux sociaux, lorsqu’il avait déclaré être solidaire de Charlie Hebdo après les attentats. «Moi, j’aime pas tout ce qu’ils disent, parfois ils ont raison, parfois ils ont tort. Ce n’est pas pour cette raison que je vais les assassiner», a-t-il fulminé. «90% des gens avec qui je parlais disaient “Fuck Charlie”, alors que je leur disais : “Attends, il y a des gens qui ont été assassinés, donc c’est disproportionné”. Et je voyais qu’ils restaient sur leurs positions. Il n’y a pas d’autre mot, vous êtes des crapules», a-t-il jugé. «Cette mentalité, je la connais depuis tout petit et ça m’agace», a-t-il conclu.
Il est à noter que Patrice Quarteron, quelques jours plus tôt, le 8 janvier, avait expliqué au micro de Sud Radio que «dans la cité», «on» lui avait appris la haine de la France. Il avait estimé que c’était le sport qui l’avait sorti du communautarisme.