Sale, très sale temps en ce début d’année pour les musées dans notre pays. Comme une sorte de contagion qui atteindrait tous ces témoins du passé, mais aussi ces transmetteurs de mémoire et de traditions, tous frappés qu’ils sont, qui par le mépris, qui par le « je-m’en-foutisme » des responsables politiques, qui par le manque d’intérêt des jeunes générations pour les expositions.
Querelles politiques
A Lyon, l’emblématique musée des Tissus pourrait mettre la clef sous la porte d’ici un petit mois, faute d’un accord entre la Chambre de Commerce et d’Industrie de la ville, la région présidée par Laurent Wauquiez – tous deux désireux de voir perdurer le musée – et le très nocif maire de la ville, Gérard Collomb, soutien affiché d’Emmanuel Macron.
Depuis des mois, en effet, l’édile joue la politique de la chaise vide et refuse d’aider au sauvetage du musée au motif que ce dernier est un « mistigri » (sic) « très largement en dehors des préoccupations des uns et des autres ». En fait, il lui préfère le très branché musée des Confluences, véritable gouffre financier adoubé par Audrey Azoulay. La même d’ailleurs qui ne tarit pas d’éloges sur le musée du Louvre-Lens, alors même que ce dernier est loin de satisfaire les espérances qu’il a pu susciter lors de son ouverture en 2013.
A Chartres, les trésors du musée des Beaux-Arts sont sous clef depuis le 1er janvier et les jardins de l’Evêché attenants sont fermés au public. Des tableaux de Vlaminck, de Chardin, de Largillière ou de Hyacinthe Rigaud, un verre dit « de Charlemagne » et originaire de Syrie, mais aussi de belles peintures italiennes et un inoubliable Philoctète sur l’île de Lemnos peint par Drouais, autant de merveilles qui échappent désormais au pèlerin de Chartres ou au simple touriste venu visiter la Beauce, les œuvres de Péguy sous le bras.
L’acharnement d’un muséophobe…
Le député-maire de Chartres, Jean-Pierre Georges, par ailleurs candidat fantomatique à la présidence de la République et apparenté LR, a décidé purement et simplement de fermer ce musée municipal (labellisé musée de France) en raison d’un conflit ubuesque entre le département propriétaire de cet ex-palais épiscopal (encore une des conséquences de la funeste loi de 1905) classé monument historique et la Ville qui, bénéficiaire d’un bail emphytéotique, se devait d’entretenir le bâtiment qui abrite le musée depuis 1938 mais a laissé le bâtiment se dégrader, faute de volonté patrimoniale. Un bâtiment qui, cependant, pouvait encore accueillir du public… et recevait de nombreux visiteurs.
Le président du conseil départemental d’Eure-et-Loir, Albéric de Montgolfier, dont le père fut le conservateur avisé du musée Carnavalet, reproche au maire de Chartres son manque d’intérêt pour le patrimoine de sa ville et son absence de projet muséographique. Il est infiniment regrettable que, depuis le temps où le feu couvait sous la cendre, le ministère de la Culture n’ait pas tranché dans le vif et n’ait pas rappelé à la Ville ses obligations. Même chose pour les différents préfets s’étant succédé à la tête du département et qui auraient pu rafraîchir la mémoire de ces édiles sur leurs obligations de détenteurs de bail emphytéotique.
Le maire actuel n’en a cure et semble se moquer, du tiers comme du quart, du patrimoine muséal de sa ville. Il n’en est pas, en effet, à son coup d’essai avec la fermeture du musée des Beaux-Arts, puisqu’il a fait subir le même sort, en 2015, au muséum d’Histoire naturelle, en rapatriant d’ailleurs une partie de ses collections… dans le musée qu’il vient de mettre sous cloche ! En 2002, le conservateur du musée des Beaux-Arts, en liaison avec la DRAC, avait organisé une exposition présentant des œuvres conservées à la cathédrale, dont le fameux trésor, et d’autres appartenant au musée. Jean-Pierre Georges lui intima l’ordre de mettre fin à l’exposition dans les plus brefs délais. L’objectif était pourtant de montrer que l’ancien palais épiscopal et la cathédrale faisaient indissolublement corps. Peine perdue.
Pour trouver une parade à sa criminelle décision, le maire muséophobe explique qu’il existe d’autres lieux où des expositions temporaires pourraient trouver refuge. Comme s’il barrait d’un trait de plume les collections permanentes qui sont la richesse même de nos musées et, surtout, comme s’il rayait à jamais de la carte de la ville le palais épiscopal.
Bien évidemment Audrey Azoulay reste de marbre, peut-être parce qu’elle pourrait être sensible au démagogique projet de ce maire qui « promet un musée du XXIe siècle avec une thématique précise ». Laquelle ? Mystère. A moins qu’il ne fasse allusion au coûteux projet du Centre d’interprétation de la Cathédrale, retenu dans le Plan Etat-Région 2015-2020 pour la modeste somme de 15 millions d’euros. Un projet pharaonique directement inspiré par l’opéra d’Oslo et qui consisterait à inverser la pente du parvis actuel sans oublier un chantier de fouilles permanentes et une mezzanine. Comme un spectacle permanent… Et la spiritualité dans tout ça ? Ce projet aurait obtenu l’aval des grands pontes des monuments historiques. Reste à savoir si les pèlerins de Pentecôte apprécieront ces bouleversements.
Photo en Une
Un chef-d’œuvre désormais privé de public : Philoctète sur l’île de Lemnos (1786-1788).
Le dernier tableau peint par Jean Germain Drouais, mort à Rome à l’âge de 23 ans.
© Musée de Chartres
Francoise Monestier – Présent