Le concordat qui régit les rapports entre l’Eglise et l’Etat en Alsace-Lorraine a toujours été un caillou dans la chaussure de la gauche. L’abrogation de cette disposition figure régulièrement dans les programmes socialistes et communistes. Le candidat Hollande avait annoncé qu’il « inscrirait » dans la Constitution la loi de 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat, ce qui aboutissait de facto à abroger le concordat.
Mais, comme son prédécesseur François Mitterrand qui voulait « étendre à l’Alsace-Lorraine le bénéfice des lois laïques », il n’en a rien fait. Nos compatriotes de l’est de la France y sont attachés, qu’ils soient croyants ou non… et ce sont aussi des électeurs. Néanmoins, les opposants n’ont pas renoncé mais ont choisi une tactique différente : ne pas demander l’abrogation globale mais démanteler la législation petit à petit, et d’abord le délit de blasphème qui, à leurs yeux, est le plus contestable : « Celui qui aura causé un scandale en blasphémant publiquement Dieu par des propos outrageants (…) sera puni d’un emprisonnement de trois ans au plus. »
Le député communiste André Chassaigne a demandé au ministère de la Justice « comment la suppression du délit de blasphème dans le code pénal d’Alsace-Moselle pourrait être mise en œuvre ? » Mme Taubira lui a répondu le 22 décembre en déclarant que, même si ces dispositions n’ont jamais « été expressément abrogées par le législateur, cet article n’est aujourd’hui plus applicable sur notre territoire ».
Mais comment une loi non abrogée pourrait-elle être juridiquement non applicable ? La traduction de cet article en français n’ayant jamais été publiée, la place Vendôme cite une décision du Conseil constitutionnel selon laquelle l’absence de version officielle en français est contraire à l’objectif d’accessibilité de la loi. Eric Sander, secrétaire général de l’Institut du droit local, spécialiste du concordat, a répliqué : « Dans les faits, cette disposition n’est plus appliquée. Mais elle n’est pas abrogée pour autant. Elle reste donc applicable. » Eric Sander souligne que seul le Conseil constitutionnel peut prononcer l’abrogation de l’article 166. Mme Taubira en est pour ses frais et le député communiste aussi.
Guy Rouvrais – Présent