Scandale! L’Indre, la Moselle et l’emploi français offerts à la Chine!!!

Francis Journot, membre des associations “Vêtements made in France” et “Rendez-nous notre industrie” s’alarme de l’implantation prochaine de plusieurs milliers d’entreprises chinoises en Indre et en Moselle. Des “projets pharaoniques” dont le coût final, explique-t-il, pourrait se chiffrer en dizaines de milliards d’euros pour le contribuable et en millions d’emplois européens sacrifiés.

En juin dernier, trois cent invités dont des élus locaux et des représentants des Etats français et chinois, assistaient au Château d’Ozans, à l’inauguration d’une plateforme logistique destinée à accueillir des entreprises chinoises souhaitant se développer sur le marché européen. Le projet, baptisé EuroSity, est développé par Sino France economic cooperation zone (SFECZ), qui représente dans l’Hexagone, Beijing capital land (BCL), filiale immobilière du fonds souverain d’investissement chinois Beijing capital group (BCG). Mark Bottemine, directeur général de l’aéroport de Châteauroux-Centre, ex-candidat PS à la mairie de Châteauroux et initiateur du projet, déclarait au journal le Monde en mai 2010 : « Nous sommes finalement revenus avec un projet politique du gouvernement central [de la République populaire de Chine] ».

A terme, l’activité s’étendrait sur une zone de plus de 600 hectares, située aux portes de Châteauroux et s’articulerait autour du tarmac de l’ancienne base militaire de l’OTAN, capable d’accueillir les plus gros avions-porteurs en provenance de Chine. Cette nouvelle cité économique gérée par un fonds d’Etat chinois, pourrait bénéficier de la classification zone franche de l’ancienne base militaire et offrir aux entreprises, bon nombre d’avantages fiscaux dont une exonération de l’impôt sur les sociétés et des charges sociales pendant cinq ans ainsi qu’une défiscalisation des investissements.

Il n’échappera à personne que le principal but poursuivi, consiste à réaliser sur des produits finis ou semi-finis, une dernière étape mineure sur le territoire français afin de pouvoir ensuite inonder le marché européen et le monde entier de produits manufacturés et high-tech, avec un label « made in France » qui augmenterait considérablement la valeur ajoutée d’une fabrication pourtant souvent préalablement exécutée dans des conditions de travail proches de l’esclavage.

L’ancien maire de Châteauroux et sénateur UMP de l’Indre Jean-François Mayet, avait, au cours de son mandat municipal, effectué plusieurs déplacements en Chine afin de convaincre des entrepreneurs chinois de venir s’installer dans l’agglomération et s’exprimait en 2010 sur France info : « Certainement que la Chine est arrivée à un moment où elle a besoin de présenter une image plus vertueuse, et le choix qu’ils font, c’est d’européaniser leur production, de peut-être marquer dessus “made in Europe” ou “made in France” ». Depuis, Gil Avérous, son ancien chef de cabinet et nouveau maire, a repris le flambeau et rencontré 900 entrepreneurs chinois en juillet dernier. Il annonçait, à son retour, l’implantation d’une première entreprise en automne mais déclarait ignorer le nombre d’emplois que celle-ci compte créer.

Le concept fait bonne figure en prévoyant également la transformation du château en hôtel quatre étoiles, la construction d’un pôle d’enseignement supérieur international en lien avec l’université française et des départements « recherche & développement ». Le Conseil général de l’Indre a investi 15 millions dans des aménagements routiers. L’agglomération de Châteauroux présidée par Gil Avérous, financerait l’achat de terrains et la création de voieries avec un investissement de 91 millions sur quinze ans. La première pierre d’un immeuble de 4 500 m2 a été posée et les premières entreprises devraient s’installer dans un an. Le président de la SFECZ, se refuse à communiquer le nombre d’emplois que la zone pourrait créer mais promet d’investir environ 200 millions d’euros sur cinq à huit ans dont 20 millions d’euros en 2014.

Cependant, si l’on considère que le coût de construction du pôle universitaire devant accueillir 6 000 à 8 000 étudiants avoisinerait probablement 40 ou 50 millions d’euros et qu’il faudrait ensuite allouer autour de 30 ou 40 millions d’euros de frais annuels de fonctionnement, le budget entier n’y suffirait guère. Et si l’on ajoute l’hôtel 4 étoiles, tous les travaux de la zone, l’édification d’immeubles de bureaux, d’entrepôts et de toutes les infrastructures indispensables, les coûts de fonctionnement de départements R&D, d’un aéroport particulier avec sa piste de 3,5 km, comptant parmi les plus importants de France et comportant (peut-être ?) une douane dédiée, le budget annuel annoncé de 25 à 40 millions peu laisser dubitatif.

A moins que derrière un habillage médiatique vendant un « hub » de coopération sino-française, ne subsiste finalement du projet global, que la construction de quelques immeubles de bureaux et d’immenses entrepôts. Mais quelle que soit l’option retenue, le principal bénéficiaire de cette opération de capital investissement, serait SFECZ, dont la vente des terrains et des bureaux pourrait rapporter, selon les Échos , 2 milliards d’euros.

Indre et Moselle, même combat

Le projet Terra lorraine ou ITEC, défendu par Patrick Weiten (UMP), président du Conseil général de Moselle, est développé par Comex Holdings, société basée en Chine, fondée par des spécialistes de la finance internationale. Un investissement de 150 millions pour la création d’une plateforme commerciale qui occuperait 240 000 m2, devrait lors de la première phase permettre l’accueil de 2 000 à 2 500 entreprises chinoises sur la zone d’Illange. Cependant, les dirigeants de la filiale européenne Comex euros developments, basée au Luxembourg, n’ont jamais révélé l’origine des fonds ni le montage financier. A terme, la surface construite totale de la zone atteindrait 6,5 millions de mètres carrés et devrait accueillir 20 000 entreprises chinoises. Le Conseil général de Moselle met en avant la création de 3 000 emplois dès l’ouverture du site et à terme 30 000, pour un investissement total qui selon son président, atteindrait 6 milliards d’euros.

La nouvelle ville économique qui pourrait s’étendre sur une longueur de plusieurs kilomètres, s’offrirait une halle d’exposition et s’enorgueillirait d’un hôtel de luxe 5 étoiles de 300 chambres, d’un parking de 280 000 m2, de tours de bureaux et de centaines de résidences. Les entrepôts destinés à recevoir chaque jour les centaines ou milliers de containers arrivés par route ou voie fluviale, devraient s’étaler sur plusieurs millions de mètres carrés.

Le chiffre évoqué de 500 containers journaliers importés dès l’installation des 2 000 premières entreprises, équivaudrait probablement annuellement à environ 2,5 ou 3 millions de tonnes de produits importés et, si l’on ose une projection, les 20 000 entreprises attendues pourraient bien importer chaque année, autour de 25 ou 30 millions de tonnes de marchandises vendues aux professionnels et peut-être directement aux particuliers. Pour comparaison, bien que les produits concernés ne soient guère alimentaires, la superficie totale des locaux du marché de Rungis, plus grand marché de produits frais au monde, n’occupe que 230 hectares et les arrivages physiques n’excédent guère 1,5 million de tonnes de marchandises par an pour un chiffre d’affaires de 8,5 milliards d’euros mais desservant 20 millions de consommateurs.

La plateforme mosellane du commerce chinois permettrait, selon la liste officielle, l’importation et la distribution en France et en Europe de vêtements et textiles, accessoires de mode, articles de sport et de loisir, cadeaux et fantaisies, mobiliers et équipement de la maison, matériels de construction et de bricolage, composants électriques et électroniques, produits de télécommunication et informatiques, machines et biens d’équipement industriel, matériels de sécurité et télésurveillance, équipements d’énergie nouvelle et d’économie d’énergie et matériaux de construction. Pour exemple, le chiffre de 5 000 containers par jour équivaudrait à une importation annuelle de dizaines de milliards de vêtements et de milliards de smartphones, ordinateurs portables ou matériels électroménagers qui pourraient être réexpédiés avec le label « made in France » vers les autre pays d’Europe mais aussi vers les autres continents.

Espionnage, dumping et conséquences sur l’emploi

L’activité générée par l’installation de 2 000 puis 20 000 sociétés importatrices de 500 à 5 000 containers par jour pourrait effectivement créer de nombreux emplois. Mais qui peut croire que celles-ci choisiront de travailler avec des transporteurs acquittant leurs cotisations sur le sol français. Il est également à craindre que les entreprises, installées à proximité d’une zone géographique abondante en main d’œuvre des pays à bas coûts d’Europe, choisissent d’économiser 30 à 40 % sur leurs coûts salariaux (l’Allemagne, distante de 30 kilomètres d’Illange, emploie plus d’un demi-million de salariés détachés et notre pays en rétribue près de 350 000).

De même, il est peu certain que, bien qu’ayant dans le cadre de leur installation des facilités d’obtention de visas pour recruter des personnels chinois, les dirigeants nouvellement installés, accordent leur préférence à des travailleurs mosellans aux exigences salariales plus élevées que leurs compatriotes. Faible pouvoir d’achat d’employés sous-payés, modèle autarcique, il est peu certain que nous assistions au formidable essor économique régional et à la création des emplois que le Conseil général promet aux chômeurs mosellans. Il eut été plus efficient de consacrer une part des investissements et de l’énergie déployée par les élus à la réalisation de vrais projets industriels créateurs d’emplois.

Les effets sur l’emploi dans de nombreux pays d’Europe pourraient s’avérer désastreux et l’industrie européenne pourrait connaitre une nouvelle hécatombe. Parmi les 20 000 ou 22 000 sociétés qui devraient s’installer, certaines ne comptent que quelques milliers d’employés en Chine mais d’autres en comptent plusieurs dizaines de milliers. Ainsi, le nombre cumulé du personnel de ces entreprises pourrait représenter en Asie, plusieurs millions d’emplois.

Alors nul ne doute que les exigences de croissance de ces entreprises nécessiteraient une politique commerciale agressive fondée sur le dumping et à laquelle les entreprises industrielles européennes ne pourraient guère résister. Huawei, géant des technologies de l’information et de la communication, qui devrait s’installer bientôt à Châteauroux, emploie 150 000 personnes et réalise 30 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel mais l’Union européenne l’accuse de dumping de ses produits sur le marché européen et reproche au gouvernement chinois de lui avoir versé des aides illégales.

Par ailleurs, ce groupe né en 1988 au sein de l’armée populaire de libération chinoise a dépensé l’an dernier 3 millions d’euros en lobbying à Bruxelles pour notamment, tenter de faire oublier les accusations d’espionnage qui pèsent sur lui. Le 29 septembre 2014, lors d’un entretien avec Manuel Valls, les promesses d’investissement et de création d’emplois de son fondateur, Ren Zhengfei, ont semble t-il, convaincu le Premier ministre, de soutenir l’implantation du géant des télécom. Mais le gouvernement peut-il ignorer les recommandations du rapport du sénateur Jean-Marie Bockel et décider de faciliter l’implantation d’un groupe suspecté d’espionnage et déjà jugé indésirable par l’Union européenne, les Etats-Unis et l’Australie.

Des élus locaux, nationaux et des membres du gouvernement ont-ils vocation, sans une consultation préalable de l’ensemble des partenaires européens, à décider de l’avenir de l’industrie manufacturière européenne au moment où certains pays comptent 40 % ou 50 % de jeunes chômeurs. Bon nombre de pays membres de l’Union européenne bâtissent une grande part de leur développement avec une industrie manufacturière pouvant représenter jusqu’à 35 % de l’emploi pour certains d’entre-eux. Les pays de l’UE seraient parfaitement fondés à s’opposer à des projets qui modifieraient leurs orientations économiques, ferait bondir leur chômage et laminerait ce qu’il reste de l’industrie européenne.

Qui paiera pour ces projets pharaoniques ?

On peut se demander comment les mises de base des fonds d’investissement (de 20 millions pour le projet de Châteauroux ou 150 millions d’euros pour celui d’Illange) pourraient permettre d’ériger ces véritables villes. Il convient de comptabiliser toutes les dépenses dont celles générées par la construction des infrastructures publiques indispensables. Alors comment seront réellement financés ces deux projets pharaoniques ? Quel sera le montant des subventions distribuées aux entreprises ? En cas d’aides jugées non conformes, l’État français sera ensuite tenu de payer des amendes à la Commission européenne mais parviendra-t-il à obtenir des entreprises chinoises la restitution des aides ordonnée par Bruxelles ?

Combien d’usines françaises fermeront ? La perte de 100 000 ou 200 000 emplois ouvriers, estimation basse, pourrait représenter, si l’on tient compte des emplois indirects et induits, une perte de 300 000 à 800 000 emplois dont le coût annuel en dépenses pour l’emploi (DPE) et dépenses connexes, pourrait atteindre 7,5 à 20 milliards. Par ailleurs, il nous faudra aussi appréhender les effets en cascade. L’aggravation du déficit de la balance commerciale et des comptes publics dont celui des régimes de protection sociale due à la baisse du nombre de cotisants. Et si l’on ajoute les effets d’une accentuation de la désertification dans de nombreux territoires, les préjudices seraient multiples. Aussi, le coût total pour le contribuable français, pourrait à terme atteindre plusieurs dizaines de milliards d’euros.

Les gaspillages ou scandales de l’argent public sont certes légion. Néanmoins, bon nombre de contribuables pourraient juger intolérable que l’État français cofinance des projets émanant du gouvernement central de la République populaire de Chine, dictature qui continue à exécuter chaque année plusieurs milliers de ses opposants politiques ou de fonds d’investissement basés dans des paradis fiscaux dont le souci n’est certainement pas la création d’emplois et dont l’opacité des capitaux devrait interpeller.

Des ministres bienveillants ?

Ces projets mortifères pour la fabrication française, sont connus depuis plus de quatre ans. Pourtant, les ténors des gouvernements n’ont jamais protesté. L’ancien ministre du Redressement productif connaît le porteur du projet d’illange, Régis Passerieux, depuis la fin des années 1980. Cet énarque, avocat et ancien maire PS qui a milité aux cotés de l’actuel ministre du Travail François Rebsamen, aurait déclaré en 2013, a la suite d’une entrevue avec Arnaud Montebourg : « Bien sur que je lui en ai parlé. Il m’a écouté attentivement et n’a semblé ne rien avoir contre. » Cependant, qui peut nier que ces concepts sont susceptibles de galvauder définitivement l’image de la fabrication française et de provoquer la fermeture de nombreuses usines sur notre territoire. Alors cela interroge encore : est-il acceptable que des ministres qui ont pour mission de protéger l’économie et l’emploi, aient fermé les yeux.

Maintenant, notre association, bien que non subventionnée, doit s’ériger pour palier leur manquement et constituer une opposition à ces deux projets éminemment dangereux pour notre pays. Souhaitons que notre article alerte le premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, et que celui-ci tire la sonnette d’alarme avant un désastre industriel. Le gouvernement pourrait également se raviser avant un scandale qui éclabousserait la classe politique. Il est en effet probable que la justice devra un jour déterminer la responsabilité de chacun des acteurs publics qui auront facilité l’aboutissement de projets engageant sans visibilité et sans limite, l’argent de tous les contribuables français. Pourquoi ne pas créer une commission d’enquête parlementaire. Aujourd’hui, les pouvoirs publics ne semblent pas encore avoir pris toute la mesure de scandales certes, en devenir mais déjà manifestes de l’argent public.

Des députés des 28 pays membres de l’Union européenne pourraient également se révéler soucieux de la sauvegarde de leurs industries manufacturières et décider de faire valoir auprès de la Commission européenne une légitime opposition à ces implantations, justifiée, entre autres, par des aides disproportionnées, des accusations d’espionnage et une distorsion accrue de la concurrence, basée notamment sur le dumping.

* Francis Journot est membre des associations citoyennes www.vetements-made-in-france.com,www.international-convention-for-minimum-wage.org,www.rendez-nous-notre-industrie.com

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