Brooklyn Yiddish est le singulier titre français du film américain Menashe, que l’on transcrivait autrefois en français par Manassé, du nom du personnage principal du film. Le titre français permet toutefois d’indiquer le milieu très particulier dans lequel se situe l’action, l’importante communauté juive ultraorthodoxe de Brooklyn, un arrondissement de New-York. Cette communauté très fermée, y compris envers les Juifs qui n’ont pas leur conception particulièrement stricte et ritualiste de leur croyance, s’exprime encore en yiddish, la langue médiévale des Juifs allemands. Les germanistes comprendront parfaitement le yiddish, quasiment de l’allemand. Ces Juifs ultraorthodoxes, loin de refléter quelque forme de Judaïsme antique, comme on pourrait le croire superficiellement, sont issus du mouvement hassidique du XVIIIème siècle, touchant des communautés juives de la Pologne d’alors, comprenant une large partie de l’Ukraine actuelle.
Brooklyn Yiddish, un film simple et touchant, un quasi-documentaire sur la communauté juive ultraorthodoxe
Brooklyn Yiddish expose le drame d’un père, ce fameux Menashé, qui, veuf, se voit alors séparé de son fils unique. La règle de la communauté est stricte : un enfant doit grandir dans un « foyer juif équilibré », c’est-à-dire comprenant un père et une mère. Comme l’explique le Rav –rabbin, mais en plus prestigieux-, figures paternelles et maternelles sont indispensables, même si rien ne saurait remplacer l’amour d’une mère biologique. Le garçon de dix ans de Menashé est donc élevé par son oncle maternel, vivant lui avec sa femme et ses enfants en un tel « foyer juif équilibré ». Menashé, bien que pieux, se trouve à la limite de la révolte, car il veut vraiment vivre avec son fils. Légalement, aux Etats-Unis, il le peut parfaitement. Mais lui comme son fils seraient alors chassés de la communauté, perspective qui n’est pas à prendre à la légère. En effet, leur vie est complètement encadrée par cette communauté. Menashé est un très brave homme, mais il est un salarié peu efficace, maladroit et arrivant régulièrement en retard le matin à son travail, dans un supermarché casher. Ainsi, le film a l’intelligence de ne pas proposer une dénonciation facile de quelque oppression religieuse. En pratique, ce père sans horaires, incapable de cuisiner, peut-il vraiment s’occuper à temps complet de son fils, ne serait-ce que le déposer à l’heure à l’école chaque jour ? De plus, comme il travaille souvent de nuit, il serait bien en peine de s’occuper avec la régularité souhaitable de son enfant. Il devient clair aussi que sans solidarité communautaire, il serait incapable de s’en sortir. L’histoire est présentée avec détachement et humour, sans nier la tristesse indiscutable de ce veuf privé de son fils et sommé de se remarier – et il n’est guère motivé – pour le retrouver.
Brooklyn Yiddish est un film simple et touchant, qui possède aussi une valeur quasi-documentaire sur la communauté juive ultraorthodoxe.
Lu sur RITV