Le scandale Olive Thomas

Oliva Duffy naquit dans une famille ouvrière irlandaise de Charleroi en Pennsylvanie le 20 octobre 1894. Elle eut une enfance mouvementée par la mort subite de son père, James Duffy, en 1906 ; cette mort l’obligea à quitter l’école à quinze ans, pour trouver un emploi et aider sa mère et ses deux jeunes frères James et Williams. A la mort de son mari, la mère d’Oliva décida de se rapprocher de ses parents qui élevèrent en partie Oliva et ses deux frères. La mère d’Oliva, Rena, devait par la suite se remarier avec Harry Van Kirk, ouvrier du chemin de fer à Pittsburgh.

Quant à la jeune Oliva, elle trouva un job de vendeuse dans le magasin Kauffmann à Pittsburgh, c’est là qu’elle rencontra à l’âge de seize ans Bernard Krugh Thomas qu’elle épousera en avril 1911 dans la petite ville de McKees Rocks. Le premier mariage d’Oliva devait durer deux ans, le couple divorça en 1913, et Oliva déménagea à New York où elle trouva refuge près d’un membre de sa famille qui lui procura un emploi de vendeuse dans un magasin de Harlem.

Son salaire hebdomadaire se montait à 2.75 $ et la jeune Oliva était bien décidée à provoquer le destin pour se sortir de cette vie de misère. Sa beauté était déjà éclatante, c’était une brune aux yeux bleus (couleur de violettes pour certains) et à la silhouette menue.

En 1914, elle décida de se présenter au concours de la « plus jolie fille de New York » qui avait été lancé par un publicitaire Howard Chandler Christy. Elle remporta haut la main le concours ce qui lui donna accès à une carrière de modèle. C’est ainsi qu’elle posa pour Harrison Fisher, ou Haskell Coffin et elle fit même la couverture du Saturday Evening Post.

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Séduit par la beauté de la jeune fille, Harrison Fisher lui écrivit une lettre de recommandation à Florenz Ziegfeld organisateur des « Ziegfield Follies » qui étaient des productions théatrales de Broadway inspirés par les Folies Bergères de Paris. Oliva fut engagée et participa aux Ziegfield Follies en avril 1915.

Sa beauté lui permit de figurer dans les ballets un plus risqués des « Midnight Frolic Show » où les jeunes danseuses (habillées seulement de ballons) s’exhibaient devant un parterre d’hommes venus s’amuser en faisant éclater les ballons des jeunes filles avec leurs cigares : on raconte que l’ambassadeur d’Allemagne von Bernstorff offrit un collier de perles à la jeune Oliva.

La rumeur veut qu’Oliva devint la maitresse de Ziegfeld mais elle découvrit bien vite qu’il la partageait avec d’autres danseuses et qu’il ne quitterait pas sa femme pour elle. Elle n’avait pas quitté son métier de modèle et elle posait souvent pour Alberto Vargas qui la décrivait comme « l’une des plus belles brunes des Ziegfeld Follies ». Ses photos de mannequin lui ouvrirent très vite les portes du cinéma muet et Hollywood commença à s’intéresser à elle : en juillet 1916 elle quitta New York pour la Californie où elle signa son premier contrat avec la Paramount Pictures. A l’époque il s’agissait encore du cinéma muet. C’est là qu’elle prit le nom de scène d’Olive Thomas. En septembre 1916, elle rencontrait dans un café de Santa Monica l’acteur le plus prometteur de sa génération Jack Pickford. Frère de l’actrice la plus puissante du cinéma muet : Mary Pickford. Il aimait la fête, l’alcool et les femmes jusqu’à l’épuisement.

Les deux jeunes gens se plurent immédiatement et se marièrent en secret dans le New Jersey le 25 octobre 1916. Jack avait vingt ans, Olive, dix huit. Pendant un an, ils cachèrent leur mariage à leur famille et au public alors que la carrière d’Olive prenait forme : elle signa pour la compagnie International Film pour jouer le premier rôle dans les films du danseur Harry Fox., puis elle signa un contrat avec la compagnie Triangle Pictures et elle remporta son premier succès dans le film « Madcap Madge ». C’est à cette époque que son mariage avec Jack Pickford fut dévoilé, pour expliquer le silence sur ses noces, elle avouera simplement « je ne veux pas que les gens croient que je réussis grâce au nom de Pickford ».

Mais il semble que la famille Pickford ait été hostile à ce mariage considérant Jack trop jeune pour se marier, et regardant la carrière d’Olive d’un œil critique (sa participation aux Ziefgeld Follies lui donnait plutôt un aura de courtisane, voire de prostituée).

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A New York, elle avait reçu de nombreuses propositions de mariage et elle avait été largement courtisée. Les Pickford pensaient que Jack aurait pu la mettre dans son lit mais s’abstenir de l’épouser. En décembre 1918, Myron Selznick (qui a déjà engagé Jack Pickford) la persuada de jouer pour sa compagnie la Selznick Pictures company où elle espèra décrocher des rôles sérieux. Elle devint bientôt à l’écran la « baby vamp » et incarna à merveille à l’écran les rôles de « garçonne ». Elle gagne alors près de 3 000 $ par semaine.

Même si certains réalisateurs ne lui trouvent aucun talent à l’écran (elle ne sait pas jouer et n’est pas professionnelle selon Billy Bitzer), le fait qu’elle joue dans des films muets tourne à son avantage : elle est alors l’une des stars chéries du public pour son franc parler, sa dévotion vis-à-vis de sa famille (elle fera engager ses deux frères dans l’industrie cinématographique) et son amour sincère pour Jack Pickford dont elle était séparée pour cause de guerre (Jack s’étant engagé en 1917 dans la Navy). Son ancienne existence comme danseuse des Ziegfeld Follies était effacée par ses rôles d’ingénue à l’écran. Son seul défaut semble avoir été sa vulgarité dont elle n’avait pas conscience : à une vieille dame qui admirait sa bague en diamant et lui demandait où elle avait acquis cette merveille, Olive répondit simplement : « c’est simple, la bague est le résultat de deux ou trois culbutes avec un riche juif de New York ». La dame fut bien sûr scandalisée.

A l’été 1920, Olive Thomas a tourné dans 24 courts et long métrages et elle et son mari décidèrent de prendre des vacances pour enfin s’offrir la lune de miel qu’ils n’avaient pu s’accorder du fait de leurs deux carrières respectives. Jack décide d’emmener Olive à Paris et ils louèrent une chambre luxueuse à l’hôtel Ritz. Le couple passa ses nuits à boire et à faire la fête dans les cafés parisiens. Le jour, Olive achète des robes parisiennes et des chapeaux.

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Le 5 septembre 1920, le couple rentra d’une fête a une heure du matin dans leur suite, et Jack, fatigué (ils doivent prendre l’avion pour Londres le lendemain matin) part s’allonger en conseillant à Olive de se coucher rapidement. Cette dernière lui répond qu’elle doit rédiger une lettre pour sa mère et qu’elle le rejoint dès qu’elle a fini. Jack finit par s’endormir, mais il est réveillé par Olive qui lui dit qu’elle a une migraine affreuse. Il lui conseille de prendre une aspirine, elle se rend alors dans la salle de bains sans ouvrir la lumière et quelques minutes après pousse un grand cri. Jack se lève aussitôt du lit et se précipite dans la salle de bains : il allume la lumière et trouve Olive debout devant le miroir tenant à la main une bouteille qui n’est pas de l’aspirine.

Elle tient dans sa main une bouteille de bichloride de mercure, un poison violent lorsqu’il est ingéré à forte dose. Jack tente de diluer la dose en forçant Olive à boire de l’eau, puis il se précipite à l’accueil de l’hôtel et réclame à un employé paniqué du beurre et du lait. Les cuisines à cette heure sont fermées, mais ils parviennent à se procurer des produits laitiers que Jack force Olive à boire. Entretemps il a appelé une ambulance qui arrive à l’hôtel et emmène Olive, en proie à des convulsions, à l’Hôpital Américain de Neuilly. Les médecins lui font un lavage d’estomac par trois fois mais sont très pessimistes. La jeune femme souffre horriblement, et Jack ne quitte pas son chevet. Son agonie va durer huit jours, les deux derniers jours, il y a un mieux alors Olive pense qu’elle va s’en sortir et confie ses projets d’avenir à Jack. C’est au matin du 10 septembre qu’Olive meurt à l’âge de vint cinq ans.

Cette mort subite va déclencher l’un des premiers scandales d’Hollywood : les journalistes parlent de suicide, de scènes de ménages entre Jack et Olive plutôt bruyantes, d’autres s’interrogent sur la présence d’une bouteille de mercure dans la chambre du couple. Jack justifiera la bouteille de mercure dans la salle de bains comme un désinfectant pour les toilettes.

Et chacun découvre alors que Jack Pickford est atteint de syphilis et que la bouteille lui a été prescris par un médecin français (le traitement durant en général trois ans). A-t-il transmis la syphilis à sa femme ? c’est plus que probable…. La police française mènera son enquête et conclura à l’accident : la femme de ménage ayant rangé côte à côte les deux flacons d’aspirine et de mercure dans la salle de bains du couple : les deux bouteilles avaient le même aspect et Olive n’avait pas allumé la lumière avant de se saisir de la mauvaise bouteille.

Jack Pickford dans ses Mémoires relatera l’incident en répétant qu’Olive n’était pas suicidaire et qu’elle et lui s’adoraient. Sa sœur, Mary fera de même dans ses mémoires. Ce qui est quand même troublant c’est qu’Olive avait bu la bouteille entière mais il est vrai que les heures précédentes elle avait beaucoup bu, ce qui pouvait expliquer son attitude inconsciente.

De plus, sa carrière était alors au beau fixe, son dernier film « The Flapper » faisait un tabac aux Etats Unis : elle gagnait plus de 3 000 $ par semaine. Jack et Olive aimaient la vie, les belles voitures, les nuits d’alcools et les cadeaux extravagants. Il va sans dire qu’Olive savait que Jack avait contracté la syphilis. Savait elle qu’il lui avait probablement transmis la maladie ? Cette nouvelle avait elle provoquée en elle une envie de suicide ?

Quoi qu’il en soit, le médecin français qui signa son acte de décès déclara la mort accidentelle : la jeune femme avait absorbé par accident le poison, croyant qu’il s’agissait d’aspirine de plus dans une salle de bains plongée dans le noir, les deux bouteilles étaient placées côte à côte.

Jack ramena le corps d’Olive aux Etats Unis et le 24 septembre une cérémonie funéraire à l’église épiscopale de St Thomas à New York fut organisée : plus de 4 000 personnes y assistèrent, puis son corps fut enterré dans la crypte du cimetière de Woodlawn dans le Bronx.

 

 

FILMOGRAPHIE

1916
Beatrice Fairfax : Rita Malone
Beatrice Fairfax Épisode 10 : Playball : Rita Malone
1917
A Girl Like That : Fannie Brooks
Madcap Madge : Betty
An Even Break : Claire Curtis
Broadway Arizona : Fritzi Carlyle
Indiscreet Corinne : Corinne Chilvers
Tom Sawyer : membre du chœur (non créditée)
1918
Betty Takes a Hand : Betty Marshall
Limousine Life : Minnie Wills
Heiress for a Day : Helen Thurston
1919
Toton the Apache : Toton/Yvonne
The Follies Girl : Doll
Upstairs and Down : Alice Chesterton
Love’s Prisoner : Nancy, puis Lady Cleveland
Prudence on Broadway : Prudence
The Spite Bride : Tessa Doyle
The Glorious Lady : Ivis Benson
Out Yonder : Flotsam
1920
Footlights and Shadows : Gloria Dawn
Youthful Folly : Nancy Sherwin
The Flapper : Ginger King
Darling Mine : Kitty McCarthy
Everybody’s Sweetheart : Mary

 

 

Source

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