Qu’il l’aimait, cet hôtel Biron ! C’était la matrice de son art, sa tanière, sa deuxième peau. Auguste Rodin s’est battu bec et ongles contre l’État français pour lui arracher ce joyau du XVIIIe siècle. Pas par esprit de gloire ou par vanité, mais pour disposer d’un lieu pour créer, et, surtout, pour partager son génie avec les jeunes artistes affluant du monde entier. Il leur offrait de travailler à ses côtés. « Jeunes gens qui voulez être les officiants de la beauté, peut-être vous plaira-t-il de trouver ici le résumé d’une longue expérience. »
C’est son ancien secrétaire, le poète Rainer Maria Rilke, qui lui fait connaître cet ancien domaine de la congrégation du Sacré-Cœur de Jésus, déjà le refuge de plusieurs artistes : Henri Matisse, Jean Cocteau, Isadora Duncan, entre autres. C’est un coup de cœur. Rodin emménage au rez-de-chaussée en 1908. Il dessine, sculpte, sa renommée grandit. Trois ans plus tard, l’État français, qui a fini par récupérer la propriété de l’hôtel, somme les artistes de déguerpir afin de le revendre. Seul le sculpteur fait de la résistance. Partir serait le tuer. Il sollicite tous ses soutiens artistiques et politiques, lesquels finissent par lui faire obtenir un sursis. La vente est repoussée à plusieurs reprises. Finalement, Rodin emporte la partie en passant un accord avec l’État : l’hôtel devient son musée et, en échange, il lui lègue la totalité de ses collections.
Le 24 décembre 1916, en pleine guerre, les deux assemblées votent l’établissement du musée Rodin. Celui-ci n’ouvrira qu’en août 1919, deux ans après la mort d’Auguste Rodin. Durant un siècle, le musée n’avait pas subi de lifting. Il était temps de lui redonner une jeunesse. C’est chose faite après trois ans de travaux monstres. La directrice du musée Catherine Chevillot en a profité pour concevoir un nouveau parcours des œuvres de Rodin. Un parcours chronologique qui insiste sur la genèse des œuvres maîtresses. De nouveaux plâtres illustrent le travail du maître. Une fabuleuse réussite.
