Défini par Thierry Mariani (député) dans sa préface comme “un acte de réinformation” et plus pragmatiquement par son auteur comme un effort pour “comprendre comment les spécialistes et les diplomates français ont pu à la fois méconnaître à ce point la réalité historique et humaine de l’Ukraine et comment ils ont pu tromper à ce point les décideurs français”, le livre est très engagé en faveur de la thèse russe, ou plus exactement contre les défenseurs occidentaux du gouvernement ukrainien. Pour être complet, il faut préciser que l’auteur est installé depuis quinze ans à Moscou “comme conseiller de différents groupes internationaux dans les pays de l’ancienne URSS”.
Le livre est divisé en six chapitres chrono-thématiques qui retracent l’évolution de la situation dans le pays. “Aux origines du conflit”, qu’il fait remonter au haut Moyen-âge et au XVIIIe s. avec la “création” théorique d’un peuple ukrainien différent du peuple russe, arguments repris ensuite par tous ceux qui auront intérêt à abaisser la Russie. “La marche au conflit” revient sur la période qui s’étend de l’indépendance en 1991 à la “révolution orange” et aux soubresauts qui agitent le pays durant les premières années 2000, y compris dans le projet d’accord-association avec l’Union européenne. “Le désastre” (politique, militaire, économique), qui caractériserait les derniers mois, avec la “rupture de l’ordre constitutionnel” et l’émergence d’une extrême droite radicale (Svoboda), finalement balayée lors des législatives de 2014. Les Etats-Unis sont purement et simplement accusés d’avoir fomenté le coup d’Etat, suivis par les Européens : “Il est bien évident que Washington, bien qu’à l’origine du coup d’Etat et de la guerre civile, l’entend de cette manière. Les Etats-Unis apportent la démocratie et l’Union européenne paie les surcoûts liés au projet”. “La guerre civile” fait la part belle au processus de rattachement de la Crimée à la Russie en remontant jusqu’à 1992, puis, bien sûr, à la question des régions orientales avec les accusations de corruption et d’abus de biens publics par l’oligarchie au pouvoir. “La France, la Russie et l’Ukraine” (“La France n’a pas plus d’intérêt en Ukraine en 2014 qu’elle n’en avait en Crimée en 1853”) reproche à Paris une approche idéologique, “avant tout romantique et inconsistante du problème ukrainien”, et met en cause “une certaine frange de la gauche radicale, s’appuyant sur les réseaux maçonniques” (sic !). Le verdict est sans concession : “En juin 2014, il est devenu clair pour nos partenaires américains que le gouvernement socialiste préfèrera sacrifier n’importe quel intérêt français que de s’opposer, même indirectement, à l’administration américaine”. La dernière partie, “Les conséquences politiques de la paix de Minsk”, veut démontrer que les sanctions économiques coûtent plus cher à l’Europe qu’elles ne nuisent à la Russie et explique que, de toute façon, l’Ukraine est désormais un Etat en décomposition au sein duquel chaque nationalité se préoccupe de ses propres intérêts. Les élites françaises se seraient soumise à “la tutelle de Washington et à la fin de l’Histoire”… “La Russie a, en outre, l’immense défaut de rappeler aux Français qu’ils sont les héritiers d’une grande Nation”, ou d’une ancienne grande nation.
On le voit, un ouvrage militant, qui parfois mélange les périodes, les exemples et les arguments. Un ouvrage à considérer pour ce qu’il est, mais à ne pas négliger car il exprime une voix différente dans la grande mièvrerie des médias nationaux.
Editions du Rocher, Monaco, 2015, 185 pages. 18,90 euros.