Ce fameux « espion », c’est Bernard Squarcini nommé par Nicolas Sarkozy à la tête de la DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur), une sorte de « FBI français » créé le 28 juin 2008, qui regroupait les renseignements généraux (RG) et la Direction de la surveillance du territoire (DST). L’ouvrage entend montrer l’emprise de ce qu’il considère être « la police politique de Sarkozy », comme l’indique son bandeau de couverture. Mais cette ambition passe par une série de témoignages plus que par des éléments tangibles.
Entretien avec l’un des auteurs, Didier Hassoux, pour expliquer sa démarche.
Racontez nous un peu votre livre : de quoi est-il question ? Que révèle-t-il ?
Didier Hassoux : On révèle essentiellement que les promesses de Nicolas Sarkozy n’ont pas été tenues : il avait promis qu’il mettrait fin à la police politique avec la fusion des RG et de la DST. Nous démontrons dans ce livre que le contraire s’est produit. Il a donné un budget de 40 millions avec des fonds secrets à 4000 fonctionnaires, dont 3500 policiers, et le secret défense qui empêche les magistrats ou les journalistes d’aller voir de plus près ce qui se passe. La police n’agit ici pas pour l’intérêt général mais au service de quelques uns.
C’est effectivement la thèse que vous développez mais votre livre est constitué pour l’essentiel de témoignages anonymes. Disposez-vous d’éléments tangibles pour appuyer votre propos et pour confirmer ces confidences faites sous le sceau du “secret”?
Nous avons effectivement plus d’une soixantaine de témoignages d’agents de la DCRI. Ne s’agit-il pas là déjà d’éléments tangibles ? L’ouvrage correspond à plus d’un an d’enquête réalisée par trois journalistes. Nous avons vu nos sources plusieurs fois sans que les uns sachent que nous parlions aux autres.
Par ailleurs, nous racontons des histoires concrètes. Par exemple, que Richard Attias, le mari de l’ancienne compagne de Nicolas Sarkozy, a été pisté pour savoir s’il était un espion jordanien. On révèle également qu’avant que n’éclate l’affaire du Sofitel, les agents de la DCRI disposaient sur une clé USB des écoutes qui impliquaient Dominique Strauss-Kahn dans l’affaire du Carlton.
Disposez-vous d’éléments précis autres que des témoignages pour l’affirmer ? Avez-vous eu accès à la clé USB que vous citez, par exemple ?
Nous avons des éléments tangibles. Je n’irai pas plus loin.
Au-delà de la condamnation morale que vous portez en quelque sorte sur la DCRI, pouvez vous affirmer que certaines de leurs pratiques tomberaient sous le coup de la loi ?
Nous portons un regard moral et démocratique. C’est à la justice de dire le droit. Je ne suis ni juge ni magistrat. Nous avons fait un boulot d’investigation qui nous a pris du temps et de l’énergie. Si nous avons écrit ce livre, c’est pour dire que les citoyens doivent s’emparer de la question de la police, de la même façon que Nicolas Sarkozy l’a fait en 2007, en mettant la sécurité au cœur du débat. Nous considérons qu’aujourd’hui la police est privatisée et que le Parlement n’a pas les moyens de contrôler cette police là, comme jadis la cellule de l’Elysée de François Mitterrand opérait en dehors de tout contrôle, ou comme jadis le cabinet noir de Jacques Chirac procédait.