La COP 21 débutera dans moins de deux mois, au Bourget. Une conférence d’ampleur mondiale, pour des débats clés entre 196 parties. Mais aussi un événement à la portée politique considérable pour un François Hollande qui y jouera l’une de ses dernières cartes internationales pour reconquérir l’opinion publique, entre deux tours des élections régionales qui s’annoncent désastreuses. Autant de pression sur les organisateurs, les politiques, mais aussi les entreprises ou les ONG. De quoi faire perdre pied à certains. Récits de quelques dérapages…
Des entreprises «invitées» à financer un budget qui dérape
Le budget prévisionnel de la COP21 est de 170 millions d’euros, dont 20% devraient être financés par le secteur privé. En mai, Laurent Fabius avait présenté une vingtaine d’entreprises partenaires via des prestations en nature ou financières. Parmi elles, Engie, EDF, Renault Nissan, Suez Environnement, Air France, ERDF, Axa, BNP Paribas, LVMH. Mais depuis, deux problèmes se posent. Tout le monde sait, même si ce n’est pas officiel, que le budget va déraper pour atteindre au moins 250 millions. Notamment parce que beaucoup d’invitations ont été lancées, en particulier auprès d’associations représentant la société civile – sujet de prédilection de Ségolène Royal – qui n’auront pas toutes les moyens de payer le déplacement. La liste est longue : milieux professionnels et industriels (dits BINGO), organisations non gouvernementales d’environnement (ENGO), administrations locales et autorités municipales (LGMA), organisations représentant les populations autochtones (IPO), instituts de recherche et organisations indépendantes (RINGO)…
Autre problème, les entreprises ne sont pas très enthousiastes à l’idée d’ouvrir leur porte-monnaie. A ce jour, il manquerait selon le JDD 5 millions d’euros de leur part. «Elles veulent bien financer, mais on leur en demande toujours plus», résume un expert. Quid d’un éventuel dépassement ? «On nous a toujours expliqué, en petit comité, que la part du secteur privé devrait être de 50 millions d’euros, sur un budget de 250 millions», confie un grand patron. Dans ce cadre, les dirigeants de groupes sont régulièrement conviés au quai d’Orsay où un «ambassadeur aux partenariats public-privé» les reçoit pour les convaincre de mettre la main à la poche. «Il joue sur la corde patriotique, nous demandant d’être des entreprises citoyennes et d’aider au succès de cet événement qui contribuera au rayonnement international de la France», raconte l’un d’entre eux. «Personne ne nous demande notre avis sur les normes et les taxes écologiques ; en revanche, quand il faut régler les petits fours, on se rappelle notre existence…», ironise un banquier.
L’arche de Noé de Ségolène Royal
Conviés en juin au ministère de l’Ecologie pour un petit déjeuner avec Ségolène Royal, les représentants des grandes entreprises françaises s’attendaient à débattre des moyens de favoriser la transition écologique dans leurs industries. Las, ils ont vécu une scène surréaliste. La ministre entre dans la salle à manger avec des dessins qu’elle dépose fièrement devant eux. Il s’agit des croquis de moules qui serviront à construire des animaux grandeur nature, en plastique mono-colore: 140 animaux qui descendront la Seine sur une barge, durant l’automne, pour symboliser «l’arche de Noé», avant d’être exposés dans les villes de France pendant la COP21. Un projet proposé par l’artiste de rue Gad Weil et soutenu par le ministère de l’Ecologie. La quarantaine de patrons réunis autour de la table sont invités à mettre la main à la poche pour financer cette arche. En échange, ils pourront proposer à leurs clients d’assister en exclusivité à la fabrication des animaux ! Ségolène Royal fait un bide : «Ce n’est pas grave, ce projet, j’y crois et je trouverai des mécènes ailleurs», lâche-t-elle pincée. «Financer des animaux en plastique pour une conférence écologique, ça ne manque pas de sel…», s’amuse encore un dirigeant récalcitrant. «Ces animaux ne sont pas en plastique mais dans un polymère spécial le PMMA justement comme un symbole d’une économie circulaire» se défend Gad Weil pour qui les motivations de ce petit déjeuner étaient parfaitement connues des uns et des autres. «L’entreprise est essentielle pour le monde de la culture», assume-t-il, loin de vouloir polémiquer.
L’Education nationale en fer de lance idéologique
Pour sensibiliser les enfants, Ségolène Royal et la ministre de l’Education nationale, Najat Vallaud-Belkacem ont suggéré d’installer des potagers dans les écoles. Outre le fait que les professeurs n’ont pas que ça à faire, ni de place, qui gardera les tomates en été ? Ce n’est pas tout. Au collège et au lycée sont organisées des simulations des conférences internationales sur le changement climatique qui «permettent de croiser plusieurs enjeux pédagogiques: la compréhension des dimensions scientifiques, économiques, historiques, géographiques et sociales de ces événements, ainsi que l’apprentissage du civisme et de l’engagement citoyen». Rien que ça.
Une société civile hors sol
Il n’y a pas que les politiques qui dérapent, la société civile aussi ! Le 1er octobre à 9h30, 30 militants de divers mouvements et organisations (Bizi ! Attac, les Amis de la terre, le processus Actions Non-violentes COP21, les Désobéissants…) ont pris leur courage à deux mains pour réquisitionner 12 chaises dans une agence BNP Paribas située boulevard de Strasbourg, à Paris. L’objectif est d’en récupérer 196 dans différentes banques (le nombre de parties à la COP21) avant et pendant la conférence. Pourquoi ? Parce que «l’argent de la transition écologique et social existe : il est dans les paradis fiscaux», explique Malika Peyraut, des Amis de la Terre. Edgar Morin et Claude Alphandéry sont prêts à «accueillir» les chaises. Nul doute que cela fera avancer la cause écologique…