Quelques réflexions sur les Outright Monetary Transactions, le nouveau bazooka monétaire de Mario Draghi.
Les informations sont nous disposons à ce jour sont les suivantes :
- C’est un programme au travers duquel la Banque centrale européenne entend acheter sur le marché secondaire (1) des obligations souveraines émises par des États en difficulté comme l’Italie ou l’Espagne.
- Pour bénéficier de cette aide, les pays concernés devront adhérer à un programme fonds européen de stabilité financière (qui sera remplacé par le mécanisme européen de stabilité 2013).
- Mario Draghi a utilisé le mot en U, « unlimited » et ne fixe aucune limite de durée à l’opération.
- La BCE entend se focaliser sur la partie courte de la courbe (le segment 1-3 ans).
- Comme pour le Securities Markets Programme et contrairement aux Quantitative Easings étasuniens, Mario Dragui entend stériliser intégralement les achats de la BCE c’est-à-dire que les OMTs ne devraient – en principe – pas avoir d’impact inflationniste sur la base monétaire (M0).
De toute évidence, l’objectif de la BCE est d’exercer une pression à la baisse sur les taux auxquels les États concernés peuvent espérer se refinancer. Il s’agit non seulement de faire baisser la pression sur leurs comptes publics mais aussi d’améliorer les conditions d’emprunts des entreprises et des ménages qui dépendent d’eux (i.e. leurs contribuables) – c’est sans doute ce que M. Draghi entend lorsqu’il dit parle d’assurer une « transmission appropriée de la politique monétaire ».
De ce point de vue, agir sur la partie courte de la courbe n’a pas vocation à rassurer les Allemands (ou, du moins, pas seulement) : c’est surtout une question d’efficacité. La BCE concentre le tir sur le segment sur lequel elle a le plus d’influence et s’attend à ce que le reste de la courbe suive (ce qui sera vraisemblablement le cas).
Sans aucune limite apriori de montant comme de durée, l’opération OMTs est beaucoup plus crédible que le Securities Markets Programme (à peine 209 milliards d’euros). C’est d’ailleurs précisément la raison pour laquelle Mario Draghi a utilisé le mot en U : il entend rappeler à tout le monde qu’il a une planche à billets et qu’on ne badine pas avec un homme décidé qui a une planche à billets.
La stérilisation peut prendre deux formes : la méthode la plus simple consiste à financer les achats de la BCE en vendant des actifs de bonne qualité et très liquides comme du schatz ; en revanche, cette approche trouvera rapidement sa limite naturelle : la taille du portefeuille de la BCE. Il est donc très probable que Mario Draghi utilise essentiellement la même méthode que pour le SMP ; laquelle consistait à pomper la liquidité des banques à l’aide de comptes rémunérés à une semaine (i.e. les Fixed-term deposits). C’est simple, très souple et c’est effectivement potentiellement infini.
En d’autres termes, nous allons assister – dans des proportions inconnues – à (i) une accélération de la dégradation de la qualité des actifs détenus par la BCE et (ii) une expansion du bilan de la banque centrale. Au-delà de la dégradation continue des exigences de la banque en matière de collatéral (pour les MROs et les LTROs) (2), la BCE porte maintenant le risque de crédit des deux LTROs (1 trillion d’euros (3)) ainsi que celui de son portefeuille de titres (les deux Covered Bond Purchase Programme et le SMP, soient 279 milliards d’euros) et opère déjà avec un levier de 36x (total du bilan/capital et réserves) pour un bilan de plus de 3 trillions…
Évidemment, la BCE ne peut pas faire défaut. En cas de défaillances importantes dans son portefeuille elle n’aura que deux possibilités pour continuer à assurer le service de sa dette : (i) une très improbable recapitalisation ou (ii) la planche à billet. C’est là, très probablement et au-delà des aspects purement politiques, la raison qui a poussé la BCE à exiger l’adhésion des États aidés à un programme EFSF/ESM et c’est également pour cette raison qu’elle a fait le choix d’affecter l’essentiel de ses profits 2011 à son fonds de réserve. En résumé, les nouveaux garants de la dette des pays qui bénéficieraient de l’aide de la BCE ne seront plus seulement les contribuables via leurs gouvernements mais les détenteurs d’euro directement.
À suivre…
> le blog de Georges Kaplan
—
1. Les statuts de la BCE lui interdisent de financer directement les États de la zone euro et donc d’intervenir sur le marché primaire. Ce n’est donc pas, à proprement parler, de la monétisation.
2. Pour les prêts nantis, ce n’est pas un problème puisque les banques en restent légalement propriétaires ; en revanche, pour les opérations de repo, c’est la BCE qui porte le risque.
3. Échelle courte : 1 trillion = 1 000 milliards.