Expo Orléans/ Jean-Baptiste Perroneau, portraitiste de génie

Quittant Paris pour aller vénérer L’Immaculée Conception du Greco à Sète (jusqu’au 27 septembre), je voulais profiter au passage de quelques expositions de l’été. J’ai pensé un moment faire un large crochet par l’Ouest, pour la petite exposition médiévale de Châteaubriant (Loire-Atlantique) qui présente, au château, quantité d’ivoires, vitraux, manuscrits, sculptures du XVe siècle prêtés par le musée Dobrée et surtout le musée de Cluny (jusqu’au 17 septembre).

Mais je ne voulais pas rater la grande rétrospective J.-B. Perronneau à Orléans. Et d’autant moins que je pouvais la grouper, descendant la Loire, avec l’exposition Gaston d’Orléans à Blois (on a essayé de reconstituer un peu les collections du frère de Louis XIV « prince mécène et rebelle », rebelle qui légua tout de même ses collections à son frère…). Mais, voulant à tout prix éviter le château du Rouvay, pollué depuis des années par un prétendu Art contemporain, où risquaient de m’entraîner certains membres de ma famille… j’ai remonté le fleuve, et nous avons vu la charmante exposition A table ! de Cours-sur-Loire (tableaux, faïences, gravures, etc. ; jusqu’au 27 août).

Mais d’abord Perronneau ! Près de 90 œuvres de celui qui fut le grand rival (certains disaient le grand second) de Quentin La Tour. Il a peint en 1753, à 48 ans, deux grandes huiles qui sont désormais au Louvre, pour être reçu « peintre de portrait » à l’Académie : il y représente son grand confrère Oudry (mort en 1755) et le sculpteur L.S. Adam (mort en 1759). Cependant c’est évidemment dans le pastel, plus spontané, plus vif, mais hélas ! fragile, qu’il a donné toute la mesure de son talent. Orléans n’en présente pas moins de 53, sans lasser…

Car il y a bien sûr de grandes figures orléanaises du XVIIIe siècle : le juriste Daniel Jousse, le dessinateur et fondateur du musée, Aignan-Thomas Desfriches, dont le portrait, resté dans la famille, préempté l’an dernier (plus de 400 000 euros), a été retenu pour l’affiche de l’exposition. Mais il y a aussi quelques « célébrités » comme le richissime Abraham Van Robais qui construisit le château de Bagatelle, l’écrivain Jacques Cazotte qui prophétisa que les Lumières engendreraient la Révolution et la Terreur (il s’agit en fait d’un faux concocté par La Harpe). On peut préférer certaines figures anonymes comme cette extraordinaire Femme en robe bleue au regard impérieux et son jeune serviteur noir, enjoué et familier… C’est là qu’il arrive à Perronneau de surpasser Quentin La Tour, parce qu’il sait choisir une posture, un entourage, des objets, qui caractérisent, individualisent le modèle, sans l’enjoliver.

Les enfants se régaleront des chats à qui Perronneau donnait parfois la vedette (dans le portrait de Magdaleine Pinceloup, ou celui de la fillette de Londres). Il y a aussi un Jeune garçon lisant, plus conventionnel, car Perronneau a beaucoup peint. Et il a beaucoup voyagé, pour une clientèle habitant les grandes villes de province (Orléans, Lyon, Bordeaux), et à l’étranger à la fin de sa vie : Hambourg, Varsovie, Saint-Pétersbourg, Amsterdam où il est mort en novembre 1783, à 68 ans.

Grâce à une des superbes gravures exposées, on connaît le visage de Perronneau, moins distingué peut-être que celui de ses modèles. Cette gravure reproduit un autoportrait perdu, et écrit « Peronneau » (l’orthographe hésitait sur les consonnes doubles, ajoutait parfois un X à la fin). C’est un nom des pays de Loire : le grand-père de Jean-Baptiste était maître tapissier à Tours ; son père se maria à Paris et n’y fit guère fortune. Notre Perronneau n’a guère été aidé à ses débuts, sauf peut-être par un oncle peintre à Saint-Germain-en-Laye (peut-être auprès de la cour des Stuart, cf. en ligne : Neil Jeffares, Dictionary of pastellists before 1800).

Ne quittez pas le musée d’Orléans sans avoir salué le Saint Thomas de Vélasquez, et admiré le moins connu Jeune savoyard buvant dans son chapeau de Caspar Netscher, un tableau dont la spiritualité n’est pas moins forte, si l’on y prend garde…

 

  • Jusqu’au dimanche 17 septembre. Catalogue de l’exposition aux éd. Liénart (192 p., 29 euros).

 

 

Robert le Blanc – Présent

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