Requiem pour un poulet de Jean-Claude Sacerdot / Les tueurs n’ont qu’à bien se tenir, ça va saigner!

Les hasards ont fait de Gonzague Lorenz, Luxembourgeois de père et Français de mère, un commissaire de police, chef de la section criminelle de la 2e Brigade spéciale de la Police judiciaire à Paris. Qu’on lui tue un de ses subordonnés, voilà qui l’agace singulièrement, surtout quand les morts ont une fâcheuse tendance à l’inflation. La morgue est au complet, et à la 2e BSPJ on ne chôme pas. Ce service d’élite est dirigé par deux «patrons» d’exception: Claude Barzy et Pascale Guzik. Les tueurs n’ont qu’à bien se tenir, ça va saigner!

Unknown-13Du poulet au canard

Tel les chats de la légende égyptienne, Jean-Claude Sacerdot aura vécu neuf vies. La dernière en date l’avait mené au service de feu «La Voix du Luxembourg», où brilla sa plume outrageusement «décalée». Retour à son bercail parisien, cet ancien inspecteur de la Brigade criminelle publie un premier polar, titré «Requiem pour un poulet». Nom et prénom: Sacerdot Jean-Claude. Age: 65 ans. Professions: parachutiste, éducateur, inspecteur de police, journaliste puis écrivain. Signe particulier: ne se sépare plus d’un bipède de race chihuahua, nommé «Barnabé». Ainsi pourrait s’énoncer une présentation de Jean-Claude Sacerdot, sur le mode des interrogatoires pratiqués lors de son séjour au 36 Quai des Orfèvres, siège quasi mythique de la police judiciaire parisienne, référent épique du grand banditisme tel qu’il fut porté au cinéma par Audiard ou Giovanni. Notre ancien «poulet» est-il à son tour une figure de cinéma? Traits de barbouze et face de bonze, gouaille d’un Belmondo et rocaille d’un Gabin sous des dehors de Gavroche déluré, l’homme a la truculence goguenarde des êtres qui ont porté lourd sans plier.

Le destin au demeurant aura contribué à lui enseigner le sens de l’humour. Rejeton d’une famille vieille France et grand style, Jean-Claude manque son rendez-vous avec la haute bourgeoisie à l’âge de 12 ans, quand une querelle d’héritage le jette dans les bras de l’Assistance publique, qui pour le 13e anniversaire du jeune délaissé lui offre – c’est là qu’il faut rire – le livre «Sans Famille» de Hector Malot! Tâchant cependant de voler de ses propre ailes, le futur parachutiste se livre à mille boulots, mais rêve d’art dramatique dans les travées du TNP. Là il rencontre Robert Hirsch, le maître acteur de la Comédie-Française, et – coup de théâtre – passe une audition qui restera sans suite. On lui présente une perspective de carrière plus durable: chaudronnier ou tourneurfraiseur! Le cave se rebiffe et se fait la malle, direction l’Armée. L’armée? En cette fin des années soixante ou le chic idéologique consiste à compisser le képi?

Des paras au chihuahua 

L’armée, oui, mais les parachutistes! – les «Paras», qui en ce temps-là sont auréolés du trouble prestige acquis dans les maquis de la guerre d’Algérie. Jean-Claude est en quête de gloriole, de vaillance et de faits d’armes; J.C. est en quête d’un chemin de croix. Il est animé, surtout, lui qui ne fut rien, du besoin d’être considéré, et de «la rage d’agir, de faire, de me dépasser».

Il lui faut plier son rucksack toutefois, car l’armée ne prolonge pas son mandat. Lourd cependant est son bagage livresque, car Sacerdot a lu tout ce qui pouvait l’être, lui qui à l’âge de quinze ans déjà avait dévoré tous les Russes, de Pouchkine à Gogol. Sa grand-mère, en des saisons plus clémentes, avait mis à sa disposition une bibliothèque d’exception, et le gamin y acquit une culture de moine copiste. Ardente est sa passion du livre: Sacerdot va en librairie quand ses camarades de chambrée vont au pouf; il y palpe les trames, caresse les tranches, renifle le papier et se «shoote à l’encre».

J.C. fait quantité de boulots encore, puis se livre à la prise en charge de jeunes en sortie de taule. La bougeotte cependant le tenaille, J.C roule sa bosse et en ces années-là «les routiers sont sympas»: Sacerdot rencontre Max Meynier, l’animateur sur RTL de l’émission éponyme, dont il devient l’assistant – «chaque fois qu’il fallait un reportage sur l’armée ou la police, c’est moi qu’on en chargeait».

Le volatile des Paras fraie avec la flicaille. Il se trouve qu’il a commis quelques études entre-temps, et acquis des parchemins; Sacerdot devient inspecteur, mandaté contre le grand banditisme en ces années de plomb où sévissent les activistes fous d’Action directe et les sous-fifres français des Brigades rouges. Sacerdot en même temps se frotte au tout-venant de la criminalité – «un marigot de monstres, où j’ai vu des types inimaginables et des horreurs innommables» – et se tanne le cuir dans un univers à la Audiard, semi-monde de malfrats, d’indics et de trafiquants, monde interlope où l’on ne fait pas d’omelette sans casser des oeufs. Un jour l’omelette est salée car il a cassé grave: l’inspecteur est viré, le pandore au poil rare porte le chapeau pour une arrestation qui a mal tourné.

Que fait Jean-Claude Sacerdot alors? Il devient secrétaire. Secrétaire du prince de Bourbon-Parme, le descendant d’Henri IV, le dernier des grands Capétiens! Et le Capétien de mandater Sacerdot en «missions spéciales». Il évolue dans la Russie de la Pérestroïka, est le premier Français en Moldavie, est invité par le gendre de Saddam Hussein à l’époque de l’«agression» contre l’Irak! Sacerdot, qui par ailleurs préside une organisation humanitaire, construit un hôpital dans le Pendjab, à la frontière du Cachemire, en cette année 1995 où l’Inde et le Pakistan menacent de mettre le feu aux poudres atomiques!

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Long encore serait le procès-verbal complet de l’interrogé, mais il nous faut conclure: l’homme un jour se pose en de plus tendres latitudes – le gallinacé rencontre sa dulcinée, qui exerce son métier au Grand-Duché. «C’est l’amour qui m’a mené au Luxembourg», et c’est l’amour encore qui récemment l’a ramené à Paris, à la suite encore de sa dame. Il garde du Luxembourg le souvenir ému de sa collaboration avec nos confrères de «La Voix»». Il y laisse un écrit durable, un polar, «Requiem pour un Poulet», publié aux éditions Saint-Paul.

Accompagné de Barnabé son frêle chihuahua, l’ancien policier nous présente son livre, en palpe la trame, caresse la tranche avant un nouveau «shoot d’encre», encre que le poulet cette fois-ci a épandue de sa propre plume.


Requiem pour un poulet, Jean-Claude Sacerdot, Editions Saint Paul

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