La fameuse Inspection générale des Finances, l’IGF, qui a fourni tant de dirigeants à la France, constitue une machine à pondre des rapports. Le dernier en date, aux aspects confidentiels (seul un résumé en a été rendu public) traite des professions « réglementées ». Par qui, au fait ? Par l’Etat. 37 professions sont concernées. Il suffira de mentionner les professions de santé, les notaires, les greffiers, les architectes, pour comprendre qu’on touche là à un sujet explosif. Le ministre de l’Economie, le socialiste Arnaud Montebourg, bien connu pour son art à faire se tourner l’attention générale vers lui, veut ouvrir les « réglementées » à la « concurrence ». Du coup, ça s’est mis à bouger chez les intéressés et dans le marigot des « sachants ».
Le Journal du Dimanche, censé être mi-droite mi-gauche, a titré sur « La fin des privilèges ». Le très « bobo » Libération crie à la fin des « lobbys ». Les libéraux se félicitent, les plus expérimentés se demandant toutefois s’il n’y a pas derrière le rapport de l’IGS une ruse du dirigisme étatique. La date de la révélation n’est pas innocente. Comme si l’on voulait prendre date par surprise. Pour un texte remis au gouvernement… en mars 2013.
On commence par dresser l’opinion contre les « profiteurs », notaires, greffiers, pharmaciens, médecins, huissiers, et tant d’autres. Qui extorqueraient 6 milliards d’euros indus aux consommateurs, nous autres. Ainsi verra-t-on, nous affirme-t-on, le prix des médicaments baisser en moyenne de 20%. Curieusement, en Italie, où une réforme de ce genre a été introduite en 2006, et en dépit de la publication de données inexactes à ce propos, les prix des médicaments en supermarchés et en pharmacies sont quasi-équivalents.
Un projet irréaliste et nuisible
Ce n’est pas tout. 120 000 emplois supplémentaires seront créés, du fait de la mise au pas des nouveaux « privilégiés ». Mirifique (sauf qu’aucun délai n’est indiqué à ce sujet). Or, les 37 activités mises au pilori occupent déjà un million de salariés. Montebourg aurait dû faire son annonce la nuit du 4 août, afin de lui donner une aura encore plus révolutionnaire. Cependant, on peut se demander, si on a la fibre démagogique, pourquoi seulement 37 professions vont passer à la moulinette, alors qu’on en dénombre une bonne centaine dans les réglementées ?
A propos, en quoi consiste la réglementation créant, selon les commentateurs, ces odieuses « professions de rentes », ces « corporations » honnies ? En la soumission à des dispositions administratives strictes, nécessitant la possession de qualifications professionnelles déterminées. Y compris pour les artisans qui entrent dans le lot des 37. Au passage soulignons que, s’il existe un type de syndicalisme patronal pro-socialiste, c’est bien celui-là, prêt jusqu’ici à tout afin de complaire à la gauche. Ses dirigeants sont aux abonnés absents quant à leurs réactions, alors que les autres professions visées ont séance tenante réagi. En donnant rendez-vous au gouvernement rose à la rentrée.
De deux choses l’une : ou le pouvoir maintiendra son projet destructif, et il se heurtera non seulement à une forte résistance, mais aussi à sa propre incompétence. Ne citons que les professions de santé et le niveau de compétences requis. Que signifierait une « ouverture » à un secteur irresponsable ? Ou il abandonnera silencieusement ses visées. Cependant, d’ores et déjà, des coups ont été portés par les exécutants médiatiques de Bercy, le mal est fait. Il a été titré sur les « privilèges », fustigé les « prébendes », dénoncé les « apanages », les « profits monstrueux », avec des chiffres douteux, comprenant parfois les charges et ne citant jamais le niveau d’imposition. Souvent nul compte n’est tenu du fait que les tarifs sont fixés par l’Etat dans la plupart des cas.
La volonté de dresser les Français les uns contre les autres s’avère manifeste. Pour quel résultat, en cas de mise en œuvre ? Des pertes de revenus sensibles pour l’Etat, une dévaluation irrémédiable de dizaines de professions dans l’esprit du public, sans le moindre profit, financier ou autre, pour leurs clients. Nous ne sommes pas confrontés à un simple ballon d’essai, une opération « table rase » se prépare, afin qu’il ne subsiste plus en France rien que ce qui émane de l’Etat et, en dehors de lui, des individus abandonnés à eux-mêmes.
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