De Watteau à David, la collection Horvitz (Vidéo)

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Jeffrey Horvitz est à l’origine un collectionneur de dessins français et italiens. En 2008, il a vendu la part italienne aux enchères, pour ne se concentrer que sur l’art français. Les œuvres qu’il a réunies depuis trente ans constituent la plus importante collection de dessins français du XVIIIe siècle à l’étranger. L’aperçu qu’en donne le Petit Palais est large, trop peut-être : on s’y perd, ainsi que dans le morcellement thématique. C’est le seul reproche, car la totalité des œuvres est de grande qualité.

Les dessins

Carle Van Loo, Personnage de La Caravane du sultan, mascarade de 1748. Sanguine brûlée. © The Horvitz Collection – Photo : M. Gould

 

 

 

Les meilleurs crayons du siècle – et quel siècle pour le dessin –, sont représentés. Ces crayons usent avec art de la chaude sanguine. Watteau l’utilise nerveusement, Boucher voluptueusement : sa Femme nue allongée est un extraordinaire dessin, de trait et de modelé. Des études de nu masculin signés Le Moyne, Boucher, Van Loo (signée « Carle Vanloo aitant a Rome », sic) rappellent l’importance de l’étude du corps humain dans le parcours académique. Les modèles de l’Académie de France à Rome ne pouvaient poser nus pendant le carême, les pensionnaires s’affublaient de défroques et autres déguisements et prenaient la pose tour à tour : c’est sans doute l’origine d’une sanguine de Van Loo représentant une Figure de fantaisie tenant une épée.

Nous n’oublierons pas notre cher Hubert Robert. Il invente et dessine merveilleusement des caprices romains et ruinesques, ou saisit le caractère hautement pittoresque d’un moulin de la région parisienne : Le Moulin de Quiquengrogne à Charenton (1765). Tout de guingois, le vieux moulin vacille au-dessus de l’eau, étresillonné de poutres. Le motif était prisé : Boucher, Lancret l’ont représenté aussi.

Les lavis

La plus belle pièce de Fragonard exposée est un assez grand lavis : Jardin d’une villa italienne (vers 1780). La subtilité des valeurs est extraordinaire, de même que la légèreté du pinceau. Ménageant le blanc du papier, l’artiste donne un effet de lumière qui pourrait être aussi celui d’une brume levée peu à peu. C’est une féerie, à gauche une grille ouverte, à droite une forêt sombre invitent à entrer dans un conte, sous l’œil des statues. Quel art, fait comme en se jouant.

Greuze, quand il moralise, fait de la mauvaise peinture. On ne le voit plus que sous cet angle, il l’a bien cherché. Mais il sait surprendre. Horvitz a dans sa collection une Marchande de marrons (vers 1760), au pinceau et au lavis. Des garçons marchandent avec elle et contestent pour détourner son attention, tandis qu’un des leurs glisse une main habile et dérobe quelques châtaignes. Il n’y a d’outré que les expressions qui faussent le naturel.

Les peintures

Au XVIIIe la mode était colorée, même celle des hommes ; et les peintres ne craignaient pas encore la couleur. Cela donne de magnifiques portraits par Jean-François de Troy, Oudry, Rigaud, Largillière, Vincent (Portrait présumé d’Elisabeth de Vandœuvre, 1792)… François Boucher pouvait peindre d’assez vilaines choses comme un Paysage rustique avec des fermiers au repos, qui fait regretter la subtilité tonale des Hollandais du siècle précédent. La plus belle toile est certainement celle d’Anne Vallayer-Coster (1744-1818), une Nature morte avec un lièvre (1769) où elle se montre presque à la hauteur de Chardin.

Comme dirait l’autre : « L’art français, je ne l’ai jamais vu ! »

  • De Watteau à David, la collection Horvitz. Jusqu’au 9 juillet 2017, Petit Palais.

Tableau en Une
Jean-Honoré Fragonard, Jardin d’une villa italienne avec un jardinier et deux enfants, vers 1780. Lavis brun sur léger tracé à la pierre noire.
© The Horvitz Collection – Photo : M. Gould

Samuel Martin – Présent

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