«C’est avec une immense tristesse que Monsieur Philippe Venet vous informe du décès de Monsieur Hubert Taffin de Givenchy, son compagnon et ami. Monsieur de Givenchy s’est éteint dans son sommeil le samedi 10 mars 2018. Ses neveux et nièces et leurs enfants partagent sa douleur.» C’est avec ces mots sobres qu’a été annoncée la disparition de l’aristocrate de la couture. L’esthète, grand amateur d’art et de botanique, l’homme fidèle à ses amis, à ses chiens, à ses propriétés (qu’il décorait lui-même) s’en est allé. Le couturier, lui, avait déjà tiré sa révérence. Sans tapage, sans narcissisme rétrospectif, mais avec panache. Le 11 juillet 1995, sous les lambris des salons du Grand Hôtel à Paris (devenu, depuis, l’InterContinental), il clôturait son ultime défilé par un hommage à ses 80 ouvrières en blouse de lin blanc juchées sur le podium.
« L’éternel apprenti » comme il aimait à se qualifier lui-même, le bourreau de travail qui, durant quarante-trois ans rejoignit rituellement ses ateliers dès 7 heures du matin, avait prévenu : « Je m’arrêterai de faire des robes mais pas de découvrir. La vie est comme un livre. Il faut savoir tourner les pages. » Pudeur ou sincérité ? Hubert de Givenchy ne trouvait pas sa place dans la nouvelle ère, celle des « bulldozers industriels ». Pourtant nulle amertume chez cet homme, un temps reconverti chez Christie’s, dans les ventes aux enchères de prestige, qui jubilait d’avoir exercé le plus beau métier du monde, à la belle époque, celle « où les mannequins étaient élégants, où les clientes s’habillaient, même pour aller dans des endroits perdus ». Tout juste a-t-il longtemps évoqué un regret, celui de n’avoir pas identifié un disciple à qui transmettre son savoir-faire.