«Catherine Certitude», livre pour enfants de Sempé et Modiano, résume l’esthétique du flou du nouveau lauréat du Nobel de littérature.
. C’est un flou comme du coton pour amortir les coups. Et ce flou-là est décrit de manière merveilleuse dans un livre pour enfant que Modiano a publié en 1988, illustré par Sempé –qui dessine d’ailleurs un peu comme Modiano écrit– Catherine Certitude.
Le livre raconte les rêveries de Catherine, et Catherine a des problèmes de vue, elle porte des lunettes. Elle se souvient des discussions qu’elle avait, petite, avec son père sur le sujet. Sans les lunettes:
«Les coutours des gens et des choses perdaient leur acuité, tout devenait flou, les sons eux-mêmes étaient de plus en plus étouffés. Le monde, quand je le voyais sans lunettes, n’avait plus d’aspérités, il était aussi doux et duveteux qu’un gros oreiller contre lequel j’appuyais ma joue, et je finissais par m’endormir.
–A quoi rêves-tu, Catherine? me demandait papa. Tu devrais mettre tes lunettes. Je lui obéissais et tout retrouvait sa dureté et sa précision coutumières. Avec mes lunettes, je voyais le monde tel qu’il est. Je ne pouvais plus rêver.»
Ces quelques lignes, qui se trouvent au tout début de Catherine Certitude, permettent de comprendre le rapport au flou de Patrick Modiano. (Elles permettent aussi de poétiser le rapport aux lunettes et de consoler les enfants qui s’en plaignent.) Mais elles montrent aussi comment, pour voir le monde à la fois plus fou et à la fois plus vrai, l’oeuvre de Patrick Modiano peut aussi servir de lunettes.
Source