EXPO / Doré, des images plein la tête

 Par Samuel

Gustave Doré est un de ces artistes cachés derrière ses œuvres, et un pan de celles-ci en cache d’autres.

Né en 1832 à Strasbourg, il grandit à Bourg-en-Bresse. A l’âge de douze ans, il a déjà une petite célébrité locale en matière de caricatures, comme plus tard Monet au Havre. Cette célébrité parvient aux oreilles de Charles Philipon, le dessinateur de la poire louis-philipparde, l’éditeur du Charivari et du Journal pour rire auquel Doré commence à collaborer dès 1847 – il n’a que quinze ans.

Il publie plusieurs recueils (par exemple l’Histoire dramatique, pittoresque et caricaturale de la Sainte Russie), illustre les œuvres de Rabelais. Merveille que l’aquarelle qui représente Pantagruel enfant jouant avec les vaches (ses biberons sur pattes, « car de trouver nourrice suffisante n’estoit possible en tout le pays, considéré la grande quantité de lait requis pour icelui alimenter »).

Avec le succès des illustrations de l’Enfer de Dante (1861), Doré quitte le domaine de la caricature et entre dans la carrière d’illustrateur. Ses images (gravées par d’autres) ont été célèbres en leur temps dans toute l’Europe et sont encore présentes aujourd’hui dans notre imaginaire, elles ont inspiré la bande dessinée, le cinéma. Cet aspect du prolongement de l’œuvre de Gustave Doré dans des arts plus récents est abordé par une exposition complémentaire, à Strasbourg.

Parmi les milliers d’illustrations, certaines sont inoubliables : le Petit Chaperon rouge couché à côté d’une grand-mère à grandes dents, le Chat botté criant que le marquis de Carabas se noie, les évocations infernales de Dante et Virgile, Don Quichotte dont l’imagination est rendue visible…

Car les plus grands textes sont passés par ses mains. La Bible, la Divine ComédieLe Paradis perdu ; Don Quichotte, le Roland furieux ; les Fables de La Fontaine, lesContes de Perrault, mais aussi les Contes drolatiques de Balzac, Byron, Hugo… Gustave Doré n’avait peur de rien et les luxueux ouvrages, abondamment illustrés, ont été des succès de librairie. Sa Sainte Bible (1866) fut épuisée en quelques semaines.

Un peintre malheureux

Le sait-on ? Gustave Doré commença à présenter des toiles au Salon dès 1850. La reconnaissance ne vint jamais, sauf de l’autre côté de la Manche : très réputé en Angleterre comme illustrateur, il ouvrit à Londres la « Doré Gallery ».

Sa peinture à l’huile n’est pas heureuse, entre Gustave Moreau et Jean-Léon Gérôme, qu’il choisisse comme sujet les Saltimbanques ou Le Christ quittant le prétoire(gigantesque machine de 5 mètres sur 7).

Il sculpta, là encore à la Gérôme, mâtiné de Carpeaux.

On retiendra, pour le sujet plus que pour l’art, les grandes peintures peintes en grisaille où Gustave Doré témoigne de la guerre de 1870 et de la Commune, pendant laquelle il s’était réfugié à Versailles. Représentant un sphinx et un ange aux abords de Paris – flammes et cadavres –, il reste sans réponse devant l’Enigme d’une guerre civile. A ces lourdes grisailles, bouchées de ton, on préférera un grand dessin à l’encre, avec rehauts d’aquarelle et de gouache blanche : une scène de bombardement rue Campagne Première.

Peinture à l’eau

Gustave Doré a peint de nombreux paysages de lacs et de montagnes. Ils rappellent les paysages romantiques allemands. Là encore, quelles désagréables huiles ! Par contre, dans les dix dernières années de sa vie, au contact des aquarellistes anglais, il trouve dans l’eau et la gomme arabique un moyen d’expression adapté à sa sensibilité. Les mêmes sujets sont transfigurés lorsqu’il les aborde à l’aquarelle. Les Pyrénées (Gavarnie, le Trou de l’Enfer), les Alpes françaises et suisses, mais aussi Saint-Malo : dans les gouffres et les lumières apparaît, une dernière fois, la sensibilité d’un romantique qui s’attarde à l’heure du naturalisme et de l’impressionnisme. Gustave Doré disparaît brutalement en 1883, d’une crise cardiaque, à 51 ans.

• Gustave Doré – L’imaginaire au pouvoirJusqu’au 11 mai 2014, Paris, musée d’Orsay.

• Doré and Friends – Dessin, illustration, BD, cinémaJusqu’au 25 mai 2014, Strasbourg, musée d’art moderne et contemporain.

Lu dans Présent

 

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