Tous les regards sont désormais tournés vers la cheminée de la chapelle Sixtine. Celle qui annoncera par une fumée blanche l’élection du successeur de Benoît XVI, le 266ème pape de l’Église catholique. Ce mardi, à 16h15, les 115 cardinaux électeurs en habit de chœur, soutane rouge et surplis blanc, sont entrés en procession dans la Chapelle Sixtine, en chantant la litanie des saints d’Orient et d’Occident, pour souligner le caractère universel du conclave. Après s’être installés à la place qui leur a été attribuée, les cardinaux ont invoqué l’Esprit-Saint en entonnant le chant du Veni Creator, puis ils ont prêté serment, tous ensemble, de garder le secret du conclave : « Nous promettons et nous jurons surtout de garder avec la plus grande fidélité et avec tous, clercs et laïcs, le secret sur tout ce qui concerne d’une manière quelconque l’élection du pontife romain et sur ce qui se fait dans le lieu de l’élection et qui concerne directement ou indirectement les scrutins ; de ne violer en aucune façon ce secret aussi bien pendant qu’après l’élection du nouveau pontife, à moins qu’une autorisation explicite en ait été accordée par le pape lui-même ». Puis individuellement, les uns après les autres selon l’ordre de préséance, les cardinaux ont juré la main sur l’Évangile : « Et moi, N. Cardinal N., je le promets, j’en fais le vœu et je le jure… Que Dieu m’y aide ainsi que ces saints Évangiles que je touche de ma main ».
Cette cérémonie, très rigoureuse, n’est soumise à aucune improvisation. Le conclave est un rituel bien ordonné, régit par l’ « Ordo Rituum Conclavis ». Un texte liturgique qui contient l’ensemble des rites à observer lors du conclave. Chaque jour, les cardinaux sont appelés à voter quatre fois : deux scrutins le matin, deux scrutins l’après-midi, jusqu’à ce qu’une majorité de deux tiers ressortent des urnes. Les journées sont donc rythmées par les votes et les prières, laudes le matin, vêpres le soir. La feuille de route est très précise et le rituel est très solennel. Si bien que le conclave n’est plus le temps ni le lieu pour échanger et discuter du profil idéal du prochain pape. C’est un acte liturgique, un temps de prière, une retraite spirituelle pendant laquelle les cardinaux, en conscience et en secret, votent pour élire celui qui assumera la responsabilité de l’Église universelle. Et l’affaire n’est pas évidente, car de grands défis attendent le prochain pape : sécularisation massive, scandale des abus sexuels, réforme du fonctionnement de la Curie, montée de l’Islam, crise des vocations, rapport entre l’Église et la société…
Parmi les cardinaux, quel est donc celui qui pourrait porter au mieux ces grands chantiers ? Qui est le plus apte à diriger la barque de Pierre, avec à son bord plus d’un milliard de fidèles ? Les spéculations vont bon train, et plusieurs cardinaux font figure de favoris : le cadet des « papabili », le philippin Luis Antonio Tagle (55 ans) a l’avantage de la jeunesse, mais n’a pas l’expérience de la Curie. Le québécois Marc Ouellet (68 ans) jouit d’une importante expérience internationale, mais certains regrettent son « manque de charisme ». L’italien Angelo Scola (71 ans) est reconnu pour sa stature intellectuelle, mais sa proximité avec le mouvement Communion et Libération, pourrait lui être défavorable…la liste des « papabili » est plus longue encore mais les spéculations médiatiques sont fragiles, et les cardinaux, dont 69 vivent leur premier conclave, peuvent nous réserver bien des surprises.
Depuis le départ du pape émérite Benoît XVI, les cardinaux ont pris le temps de la réflexion et du discernement, mais souvent dans une atmosphère médiatique très lourde. Aujourd’hui, ils sont enfermés dans la chapelle Sixtine, isolés du monde, et tenus au secret. Sous la fresque du Jugement Dernier de Michel Ange, les cardinaux sont appelés à voter en faisant la volonté de Dieu, pour le bien de toute l’Église: « Je prends à témoin le Christ Seigneur qui me jugera que je donne ma voix à celui que, selon Dieu, je juge devoir être élu ».
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