Sur le plateau de « Quotidien », devant l’insistance de Yann Barthès, Jean Dujardin a fini par confirmer qu’un troisième épisode de la saga d’Hubert Bonisseur de La Bath était en préparation. En 2006, les aventures de l’agent français au Caire nous avaient ravis. Il était franchouillard, colonial, macho, et ne s’embarrassait pas trop des cultures étrangères. Sa rencontre furtive nocturne avec un muezzin reste dans les annales du cinéma français.
Après un deuxième épisode à Rio, qui ne fut pas à la hauteur de nos espérances, Dujardin s’apprête à reprendre le costume d’OSS 117. Mais les temps ont changé. Ce qui était de l’humour caustique peut-il être compris comme tel par une génération de décérébrés dont l’univers culturel se résume aux 280 caractères du prochain tweet consacré au prochain « dérapage » d’un prochain mis-à-l’index ?
Et puis, comment imaginer une scène de bagarre de filles qui finissent en sous-vêtements (OSS 117 : Le Caire, nid d’espions) alors que la campagne #metoo #balancetonporc qui commença comme une juste dénonciation de viols est devenue un déversoir des haines pseudo-féministes et qu’on en vient à mettre au chômage les grid girls de la Formule 1 sous prétexte de respect des femmes ?
Comment imaginer un Hubert rigolard qui explose de rire à l’évocation des pratiques musulmanes dans un monde où tout doit être inclusif sous peine d’excommunication médiatique et d’exclusion définitive et honteuse de l’industrie cinématographique ?
Le premier OSS se déroulait dans les années 50. Le deuxième, en 1967. La logique voudrait donc que le troisième prît place dans les seventies baba-cool, post-68. On imagine donc volontiers un Bonisseur de La Bath décalé face à une jeunesse en patte d’eph et pétard au bec…
Le non-dit sur OSS, la recette du succès, l’incroyable hypocrisie du produit, c’est que le public l’a aimé parce qu’il est nous, parce qu’il est ce que nous avons aimé être, alors que l’équipe qui le conçut l’imagina selon l’esprit Canal qui coulait dans leurs veines. Ils voulurent en faire un idiot raciste macho, nous en fîmes un totem du bon temps des colonies.
On ne mesure pas encore la violence de la vague épuratrice qui se répand dans tous les corps de métier. Au cinéma, untel sur lequel plane le moindre doute quant à son comportement exemplaire aux côtés des Torquemada auto-désignés sera voué à retrouver son nom en pâture sur les réseaux sociaux, dans le New York Times et Le Monde. Et, donc, au chômage. La parfaite blancheur de l’âme selon les critères de ces nouvelles féministes hargneuses et porteuses de haine est quasi impossible à atteindre en raison d’un péché originel qu’aucun baptême ne peut expier : nous sommes nés hommes. OSS 117, hommissime, ne peut satisfaire les canons de cette nouvelle religion.
Intelligent, Jean Dujardin donna dès lundi soir des gages aux prêtresses : oui, ce qui arrive à Harvey Weinstein, « c’est plutôt bien ». Gageons que la mollesse du propos ne satisfera pas les vestales de Twitter. On lui en demandera plus. Toujours plus.
On a modifié les traits des Noirs dans Tintin au Congo. On essaie même de faire interdire l’album tout entier.
À quand, une version expurgée du Caire, nid d’espions ?