Une vidéo fait grand bruit, depuis hier, sur les réseaux sociaux. La scène se passe à l’Assemblée nationale, au moment des questions au gouvernement. Virginie Duby-Muller, députée LR de Haute-Savoie, attire l’attention de Najat Vallaud-Belkacem sur la situation critique des lycées d’éducation prioritaire. Une cinquantaine de ces établissements est en effet en grève depuis plusieurs semaines.
Najat Vallaud-Belkacem, sur son siège, s’esclaffe. Se marre. Glousse toute seule. On dirait même qu’elle presse l’arête de son nez entre le pouce et l’index pour empêcher de petites larmes de perler. C’est si désopilant. Quand elle saisit le micro, on entend encore des hoquets, il lui faut quelques secondes pour reprendre son sérieux. Cette pauvre Virginie Duby-Muller est impayable, n’est-ce pas ? Avec ses questions « cocasses », comme les appelle Najat Vallaud-Bekacem, pour justifier son hilarité.
C’est vrai que la situation des ZEP est très amusante, comme celle de toute l’Éducation nationale, d’ailleurs. En même temps, il vaut mieux en rire qu’en pleurer, hein ? À quoi sert de se miner ? Osez dire que vous-même, dans ce domaine, n’avez jamais rigolé ? Prenez la nouvelle façon d’enseigner de la grammaire, telle qu’elle est prévue par la réforme des collèges : les premiers témoignages des profs ayant reçu leur formation ont commencé à filtrer dans Le Parisien ou Télérama.
On y lit, par exemple, qu’un élève pourra peut-être bientôt écrire « le plafond s’émiettent ». « Cocasse », non ? Vous voyez, vous aussi, vous pouffez. C’est, en effet, avec cet exemple que l’on a expliqué aux enseignants qu’il existait « un degré d’acceptabilité des erreurs des élèves, s’ils peuvent justifier la logique de leur démarche ». « À chacun sa vérité », disait Pirandello, jusque dans l’orthographe.
Il y a aussi ce concept de « prédicat », qui recouvrira de son blanc manteau le COD, le COI et les compléments circonstanciels, réputés trop compliqués et reportés, dans l’apprentissage, sine die. Sauf qu’évidemment, on ne pourra plus expliquer les accords des participes, et que l’apprentissage de l’accusatif et du datif en allemand ou en latin deviendra impossible. En même temps, on s’en fout, puisqu’on ne fera plus ces langues-là ! N’est-ce pas cocasse ? Il est écrit que, dans la barcasse de l’Éducation nationale, il n’y aura plus que des gourdasses. Souriez, c’est pour la photo.
Est-il utile, enfin, d’évoquer – on l’a déjà tellement fait – les classements PISA dans les chaussettes, l’illettrisme, le communautarisme, la violence, le harcèlement et le sauve-qui-peut général… Le Monde, journal de droite et catholique s’il en est, se grattait le menton ces jours derniers : et si les réformes de la gauche avaient fait fuir les familles vers le privé ? Oui, je sais, c’est un peu cocasse.
Pour Najat Vallaud-Belkacem, la question de Virginie Duby-Muller fait rire car les lycées de ZEP manifestent, en réalité, leur inquiétude de voir les acquis octroyés par la gauche remis en cause par un éventuel changement de gouvernement. Ils sont tellement contents qu’ils viennent crier avec colère leur bonheur, et cette grève serait en réalité, pour résumer, une déclaration d’amour à l’endroit du gouvernement. Convenez que l’explication est cocasse.
Qu’importe, du reste, le fond de l’intervention. C’est le spectacle de ce gouvernement gouailleur, dominateur, sans pudeur, railleur sur son tas de ruines, comme du haut d’un promontoire, qui suscite l’indignation. Il devrait bientôt en descendre. Les Français – ce n’est pas gentil – risquent de trouver ça cocasse.