« J’aime bien qu’on parle de mes ouvrages mais pas trop de moi : gardez ça pour ma nécrologie ». Les mots sont de Claude Lebey lors d’une interview accordée au Parisien* en 2007. Malheureusement, il est venu le temps où l’on peut parler d’un homme à part, mort dans la nuit du 10 au 11 janvier à l’âge de 93 ans.
Après une carrière de chef d’entreprise dans le textile, Claude Lebey change radicalement de vie à l’âge de 45 ans. Il décide alors de se consacrer à ses passions : le restaurant et l’édition. Auteur, éditeur, journaliste et même producteur télé, l’homme est un touche-à-tout de génie. En 1987, il lance son guide parisien, le fameux Lebey. Claude Lebey passe sa vie à table et se crée une culture culinaire à part, bien loin des horribles repas familiaux. « On mangeait tellement mal chez ma mère et ma grand-mère que j’avais envie d’aller goûter ailleurs » raconte-t-il. Du coup, il se rattrapera plus tard en se rendant quelque 300 fois par an au restaurant.
Parmi les chefs qui l’ont bien connu, il y a Yannick Alléno. « C’était un homme dur mais juste. Je me souviens encore du premier repas que je lui ai servi au Scribe en 1999. Des écrevisses à la nage, ris de veau rôti avec un gratin de moelle et parmesan, et un millefeuille amande-pralin-chocolat J’avais la trouille car il était très influent : il pouvait vous remplir ou vous vider un restaurant. Avec le recul, je me rappelle d’un homme cultivé, très érudit, qui savait transmettre sa passion » explique le chef du Pavillon Ledoyen. Récemment, ce dernier et Claude Lebey ont coécrit un livre en 2014 intitulé « Sauces. Réflexion d’un cuisinier ». « La modernité de Claude dans sa vision de la gastronomie contemporaine était extraordinaire. Un visionnaire » assure Yannick Alléno. Pour Antoine Pétrus, directeur de la restauration du restaurant Le Clarence, « Claude Lebey était un homme fascinant et intimidant. Il avait la culture du métier. Il faisait partie de ces clients qui vous en apprennent plus que ce que vous leur apportez pendant un repas. Mais sa culture ne s’arrêtait pas à l’assiette. C’était un fin amateur des univers du cigare ou du chocolat. A mes yeux, nous venons de perdre l’un des derniers grands connaisseurs de la gastronomie avec une vision globale de nos métiers. Claude Lebey était un homme magnétique. »