Dans Présent de vendredi, Caroline Parmentier évoquait la perspective de restituer aux autorités algériennes les restes d’insurgés algériens du XIXe siècle. Emmanuel Macron a répondu positivement à cette demande.
Faut-il s’en offusquer ? Rien n’est moins sûr. D’abord qui se souvenait qu’étaient entreposés ces crânes au musée de l’Homme ? Quel était l’intérêt culturel, artistique, et même historique, de ces restes ? Le scandale n’est certainement pas dans la remise d’ossements presque bicentenaires. Le scandale, c’est de lire, par exemple en titre du Figaro, qu’il s’agit de « crânes de résistants algériens ». Un tel qualificatif de « résistants algériens » est d’abord une soumission au vocabulaire de l’autre, de cette république algérienne qui, pendant 55 ans, a systématiquement été dans le camp des ennemis de la France, après que le FLN a tué massivement nos compatriotes d’origine métropolitaine ou d’origine arabe. De quels « résistants » parle-t-on, en 1849 ? Qui est le Jean Moulin ou le d’Estienne d’Orves algérien ? Et d’abord l’Algérie existe-t-elle en 1849 ? Les 37 têtes conservées sont celles de rebelles, plus assimilables à des pirates ou à des chefs de rezzou qu’à des héros de la Résistance.
Cette restitution de crânes intervient après la restitution de la « Vénus hottentote » à l’Afrique du Sud, en 2002, et de têtes maories momifiées à la Nouvelle-Zélande en 2012. Mais ces restitutions ouvrent évidemment un nouveau débat : jusqu’où va-t-on aller ?
Les collections publiques sont en principe incessibles, du fait d’une convention de l’UNESCO. Cette convention a pour but de protéger le patrimoine archéologique, dans la mesure où tous les pays ne sont pas équipés pour le conserver dans de bonnes conditions.
Mais est-il raisonnable de conserver dans les caves de nos musées des tonnes d’objets qui n’ont jamais été exposés et qui ne le seront jamais ? N’est-il pas logique qu’une partie d’entre eux soient remis aux pays d’origine, s’ils le souhaitent, pour alimenter des collections et des musées locaux assez indigents ?
18 000 squelettes
Aujourd’hui, la conception même du musée en tant que lieu de concentration d’objets pour pouvoir les voir, est battue en brèche par la technique, qui permet à chacun de connaître ces objets grâce à la photo, au film, y compris en trois dimensions, de zoomer dessus, etc. Le « cabinet de curiosités » n’a plus de sens.
Vider les caves des musées, rendre accessibles ces objets aux collectionneurs privés, en restituer aux pays d’origine, aussi, désengorgeraient des locaux encombrés, et permettraient, en passant, de renflouer les caisses de l’Etat.
Mais, nous disent les conservateurs, disperser des objets qui appartiennent à l’Etat, c’est ouvrir la boîte de Pandore, c’est prendre le risque de voir par exemple le musée des Arts premiers de Jacques Chirac se vider d’une partie de ses collections !
Reconnaissons que nous avons vécu sans ce musée, sans ces arts premiers que l’on nous met sous le nez depuis Picasso, et depuis la tocade chiraquienne, et que nous ne nous en portions pas plus mal.
Alors, des restitutions, et même des ventes, pourquoi pas ?
Le débat ne fait que commencer, car déjà la Corée du Sud nous réclame des manuscrits d’une certaine dynastie Joseon. Et il y a 18 000 squelettes dans les réserves du musée de l’Homme, qui ne demandent qu’à être restitués !