« Du moment que l’art n’est plus l’aliment qui nourrit les meilleurs,
l’artiste peut exercer son talent dans toutes les tentatives de
nouvelles formules, en tous les caprices de la fantaisie, en tous les
expédients du charlatanisme intellectuel.
Dans l’art, on ne cherche plus consolation et exaltation, mais les
raffinés, les riches, les oisifs, les distillateurs de quintessence
cherchent le nouveau, l’étrange, l’original, l’extravagant, le
scandaleux. Et moi-même depuis le cubisme et au-delà- j’ai contenté ces
maîtres et ces critiques avec toutes les bizarreries changeantes qui me
sont passées par la tête, et moins ils les comprenaient, plus ils
m’admiraient.
À force de m’amuser à toutes ces fariboles, à tous ces jeux, à toutes
ces casses-tête, rébus et arabesques, je suis devenu célèbre, et très
rapidement. Et la célébrité pour un peintre signifie ventes, gains,
fortune, richesse, et aujourd’hui, comme vous le savez, je suis célèbre
et je suis riche. Mais quand je suis seul avec moi-même, je n’ai pas le
courage de me considérer comme un artiste dans le sens grand et antique
du mot. »
Picasso, dans un entretien accordé à Il Libro nero