Niko Pirosmanachvili dit Pirosmani ». (1862-1918) est géorgien, né de parents paysans, orphelin très tôt. Pirosmani est placé dans une famille qui lui apprend à lire et écrire, et encourage son goût précoce pour le dessin. Il exerce divers métiers, avec peu de succès. Il tombe éperdument amoureux d’une actrice française, Marguerite, qui le ruine totalement, et le quitte sans états d’âme, alors que lui est désespéré. Ce qui fait dire à sa sœur qu’il «n’a jamais eu de famille, mais qu’il a eu un grand amour» !
Désormais, il se consacre exclusivement à la peinture. Il peint les gens qui l’entourent, des scènes de la vie campagnarde, les us et coutumes de son pays, quelques scènes citadines, des enseignes sur métal pour les artisans… Parfois, il peint chez les clients (auberges, bourgeois…), ne demandant que le gîte et le couvert, et il est bien souvent exploité. Son unique bien est une boîte contenant ses peintures et ses pinceaux. Mais peu à peu, de jeunes artistes s’intéressent à son oeuvre. Il expose à Moscou, entre à la Société des Peintres de Tbilissi. Pourtant, un jour, une caricature dans un journal se gausse de sa maladresse. Rudement atteint, il se retire de la vie artistique. Il vit seul.
Les rares personnes qui sont demeurées ses amies constatent sa déchéance. Il semble qu’il soit resté trois jours, gisant dans une cave. Découvert par un voisin, il meurt à l’hôpital la veille de Pâques 1918. Nul ne sait où se trouve sa tombe.
Sur les quelques deux mille tableaux et enseignes qu’il a réalisés, il n’en reste qu’environ deux cents, conservés dans les musées de Tbilissi et de Mirzaani. Les nombreuses peintures murales dont il tapissait les murs des troquets des villages sont disparues. Tous les tableaux de Pirosmani sont remarquablement peints, forts, évocateurs des scènes et des gens qui l’impressionnent. L’originalité de la plupart de ses paysages est d’avoir été peints sur de la toile cirée noire, d’où la grande beauté de ses nocturnes. Ses portraits sont frappants : gros yeux des hommes aux sourcils et cheveux hirsutes, à la barbe négligée. Grands yeux ronds des enfants. Femmes aux formes généreuses, souvent vêtues de costumes régionaux noirs pour les paysannes, plus sophistiqués pour les bourgeoises. Ses groupes, bien que statiques, donnent une impression de vie, marquée au coin de l’humain, avec une sorte de tendresse, de complicité naïve, comme ce «Millionnaire sans enfant et pauvresse avec enfants» ou «Nourrice avec enfant», etc.
Nombreux sont les animaux dans l’œuvre de Pirosmani, sauvages ou domestiques (« La girafe », «La coche et ses petits»…), souvent peints la nuit, par goût des clairs-obscurs. Ils sont également souvent humanisés, tirés de contes géorgiens, ou symbolisant des personnages de fables. Les paysages appartiennent au quotidien («Le train de Kakhétie»), ou «La fête de Saint-Georges à Bolnisi » tableau très allongé, qui comporte une série de saynètes avec les diverses occupations festives des villageois…) ; à l’histoire (« La guerre russo-japonaise»…). S’ils sont peints de nuit, ils sont toujours éclairés par une lune argentée. S’ils sont peints de jour, les ciels sont bleu vif ou légèrement grisés. Jamais d’effets. Jamais d’exagérations. Les couleurs sont maîtrisées, paisibles. Bien que sa peinture ne soit pas naïve, Pirosmani a souvent été appelé «le Douanier Rousseau de Géorgie». Pourtant, elle ne tient ni du fantastique, ni même de l’imaginaire, mais de la vie bien réelle qui l’entoure. De lui, Louis Aragon a écrit : «Je parierais qu’on va le regarder ici comme un naïf… Pirosmani est un peintre qui a tout inventé de la peinture, qui l’a développée pendant quarante années et s’est fait sa technique comme se sont fait la leur, les «primitifs», ceux qui ont brisé avec l’école…». A la fin de sa vie et bien après sa mort, de nombreuses personnes se sont rendu compte à quel point Pirosmani représentait la Géorgie. Des recherches ont été faites pour retrouver ses œuvres disséminées dans toute la région. Et des écrits ont célébré son talent.