Ca vole (vraiment très bas) les winners de la Macronie radieuse !

Il y eut le temps des raffarinades, puis l’époque des sarkozysmes précédant la période des hollanditudes. Nous voilà aujourd’hui entrés dans l’ère des macronneries. À savoir des bourdes aussi aériennes que des camions bâchés, balancées aux quatre vents médiatiques et révélant plus ou moins ce qui semble tenir lieu de réflexion à ceux qui font mine de nous gouverner.

Autrefois, les troupes de ces brillants esprits tentaient de minimiser les saillies intellectuelles de leurs maîtres à penser ; aujourd’hui, ils précèdent l’appel. Ainsi, dans un entretien accordé à Paris Normandie, Damien Adam, député LREM de Seine-Maritime, risque cette saillie : « Quand vous êtes salarié et que vous voyez certaines personnes qui partent en vacances aux Bahamas grâce à l’assurance chômage, il est légitime de se dire que ce système marche sur la tête. »

Voilà qui confirme au moins deux faits. Damien Adam ne doit pas connaître beaucoup de chômeurs et n’a pas dû aller souvent aux Bahamas. Ce qui doit également être l’avis de ses collègues, dont Aurore Bergé, qui est un peu à Emmanuel Macron ce que Rantanplan est à Averell Dalton : « Ces propos n’engagent que celui qui les a tenus et ne reflètent pas du tout la position du groupe. » Mais un peu quand même, à en juger de la suite des événements.

Ce qui, généralement, caractérise les endives, c’est qu’on nous les vend par bottes. Nous avons donc droit à plusieurs Damien Adam pour le prix d’un : la preuve par Bruno Bonnell, député du Rhône et lui aussi membre du gang de winners ayant récemment fait main basse sur les plus hautes sphères de l’État, qui assure sur RTL, en pleine tourmente des Paradise Papers : « L’optimisation fiscale, c’est positif, là où la fraude, évidemment, ce n’est pas bien. » » Puissant. Et notre philosophe de développer sa vision du monde : « Le mot “optimisation”, il est positif. Quand on optimise, par exemple, son énergie, on est quelqu’un de bien. Par contre, quand on rajoute le mot “fiscal”, là, on est quelqu’un de mal. Et c’est intéressant, parce qu’on mélange tout, l’optimisation fiscale n’est pas de la fraude fiscale. C’est une philosophie. » Celle consistant à se plaindre de ces pauvres ayant le mauvais goût de ne pas applaudir ces riches dont le seul but semble être celui de s’enrichir davantage.

Bref, nous revoilà de plain-pied dans ce vieux concept relatif aux « classes sociales dangereuses », au fil des décennies resservi, à droite comme à gauche. Vu de droite, l’ouvrier syndiqué de gauche n’était qu’un agitateur bolchevique, tout juste bon à déclencher la grève générale entre deux tournées réglées au comptoir avec un argent pas toujours mérité. Vu de gauche, le bourgeois de droite n’était rien d’autre qu’une sangsue vivant de la sueur du peuple, toujours fourré à l’église ou dans sa bonniche, jouant au bridge pendant que les enfants égayaient leurs dimanches après-midi en faisant fouetter, sur le gazon de la gentilhommière, des pauvres par les domestiques.

On remarquera que depuis, le système s’est considérablement amélioré, puisque les nouvelles classes sociales dangereuses concernent désormais la majeure partie de la population, pour une fois réunie dans une même détestation. Les ouvriers tenus pour feignasses infoutues de déménager deux fois plus loin de chez eux pour gagner trois fois moins et, surtout, suspectées de racisme sournois. Les bourgeois, considérés comme arriérés chroniques, puisque refusant les mille et une merveilles de la nomadisation heureuse et bien capables de mettre la République en péril en défilant, toutes poussettes brandies à la Manif pour tous. Entre les deux, les artisans et les petits patrons, condamnés à l’inévitable déclassement, étant manifestement inaptes à la mondialisation pourtant joviale que nous promet Jacques Attali.

Que tout ce beau monde soit mariniste, filloniste, mélenchoniste ou abstentionniste, ne change rien à la chose et ne saurait alléger leur dossier : ils refusent de marcher avec la République radieuse qu’incarne ce sémillant avocat d’affaires semblant confondre Élysée et incubateur de start-up.

On précisera – petit détail valant son poids de stock options – que Bruno Bonnell n’est pas exactement le premier venu. Cofondateur d’Infogrames et ancien PDG d’Atari, il a fait fortune dans l’industrie du jeu vidéo. C’est dire le niveau d’un gugusse ayant bien une tête à partir en vacances aux Bahamas, même s’il n’y a pas que des endives qui partent là-bas pour le week-end ; les andouilles aussi.

 

Nicolas Gauthier – Boulevard Voltaire

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