Liberté d’expression: luxe de ploutocrates!

Aux armes, citoyens ! La liberté d’expression des artistes est en péril. Pendant le match de rugby France–Fidji, j’ai zappé un court instant et entendu BFM, peu après 19h, samedi dernier, sonner l’alerte : « L’ombre de la censure plane sur l’actualité », annonçait le présentateur, la gorge nouée. Tétanisé, j’ai voulu en savoir plus.

Cette liberté « grignotée » s’illustre par exemple dans cette œuvre mi-sextoy, mi sapin de Noël, érigée Place Vendôme à Paris, qui a suscité une récente polémique, ou encore dans l’exposition « Zizi sexuel » à la Villette. Il paraît que cette exposition, instructive, bien faite, séduit les familles (dixit BFM) mais n’est pas du goût de tout le monde. D’où la question qui surgit tout naturellement et à propos de laquelle la chaîne a dépêché ses limiers : « Qui se cache derrière ceux qui s’offusquent ? »

La réponse est un peu téléphonée, on la sentait venir : les mêmes forces obscurantistes qui s’en prennent aux ABCD de l’égalité. Les réseaux sociaux servent de caisse de résonance aux courants les plus réactionnaires, nous voici prévenus. C’est bien ça que les soixante-huitards, adeptes d’une liberté à géométrie variable, ont le plus de mal à accepter : la blogosphère leur échappe, alors qu’ils étaient habitués à régner en despotes absolus sur tant d’autres canaux d’expression.

BFM en appelle alors à une sorte de grand témoin, dont le jugement fait autorité. Jean-Michel Ribes, bien en cour dans les médias, valide le reportage de la chaîne tout en se voulant rassurant : les nouveaux censeurs ne gagneront pas. Le directeur du théâtre du Rond Point (où fut présenté Golgota Picnic) banalise au passage l’œuvre de Paul McCarthy : selon notre expert – et il semble s’y connaitre – ce genre de plug anal, tous les touristes installés dans les hôtels situés aux environs de la Place Vendôme en ont un dans leur chambre. Où va se nicher l’art contemporain !

La liberté d’expression devrait être une et indivisible, mais Willy Sagnol n’a pas eu droit à l’une de ces grandes mobilisations d’artistes, lycéens ou autres intellos qui font des images à la télé. Au contraire ! Lors de notre toute dernière chasse aux sorcières, le gibier, c’était lui, l’entraîneur des Girondins de Bordeaux. Il a imprudemment – sans y voir malice – parlé du « joueur typique africain » : pas cher, puissant, combatif… et il a eu le grand tort d’ajouter : « Le foot, ce n’est pas que ça ; c’est aussi de la technique, de l’intelligence, de la discipline. Il faut de tout. Des nordiques aussi. Ils ont une bonne mentalité. Une équipe de foot, c’est un mélange, comme la vie, comme la France. » C’est plus que n’en pouvaient supporter les chastes oreilles de l’antenne girondine de la LICRA qui a rompu aussitôt son partenariat avec le club. Harcelé de toutes parts et davantage habitué aux tirages de maillots sur les terrains qu’aux polémiques médiatisées, Sagnol a dû battre sa coulpe. Le réconfort est venu du buteur Diabaté qui s’est jeté dans les bras de son coach après avoir assuré la victoire de Bordeaux 2 à 1 aux dépens de Lens. Bouleversé par ce soutien, Sagnol a fondu en larmes…

Pourquoi attiser les braises de la discorde, jeter des anathèmes, tenter de faire naître des affrontements dans une société française déjà bien mal en point ? Que les professionnels de l’antiracisme, dans leur éternelle traque de la bête immonde (qui constitue leur horizon indépassable) prennent garde à ne pas desservir la cause qu’ils prétendent défendre. Ces nouvelles ligues de vertu tapent sur les nerfs d’une majorité de Français : 76% d’entre eux pensent qu’on ne peut plus rien dire dans notre pays sans se faire traiter de raciste (sondage IFOP pour Valeurs actuelles le mois dernier).

Quant à moi, dont le patronyme signe l’origine, je ne me suis jamais formalisé, je n’ai jamais publié de communiqué vengeur quand j’ai entendu dire que les bretons ne boivent pas que de l’eau minérale. La tentation totalitaire ne serait-elle pas du côté de ceux qui ont constamment à la bouche le mot « liberté », qui occupent le terrain médiatique et qui prétendent administrer des leçons de morale à la terre entière ?

Lu sur Boulevard Voltaire

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