Alphonse Allais est un journaliste, écrivain et humoriste français né le 20 octobre 1854 à Honfleur (Calvados) et mort le 28 octobre 1905 à Paris. Célèbre à la Belle Époque, reconnu pour sa plume acerbe et son humour absurde, il est notamment renommé pour ses calembourset ses vers holorimes. Il est considéré comme l’un des plus grands conteurs français.
Alphonse Allais est fils d’un pharmacien et cadet d’une fratrie de cinq enfants. À l’école, Alphonse semble plutôt se destiner à une carrière scientifique : il passe à seize ans son baccalauréat en sciences. Recalé à cause des oraux d’histoire et de géographie, il est finalement reçu l’année suivante. Il devient alors stagiaire dans la pharmacie paternelle, mais ses expériences et ses faux médicaments ne sont pas du goût de son père, qui l’envoie étudier à Paris. Mais Alphonse, préférant passer son temps sur des terrasses de café ou dans le jardin du Luxembourg, ne se présente pas à l’un des examens de l’école de pharmacie. Son père, s’apercevant que les fréquentations extra-estudiantines de son fils ont pris le pas sur ses études, décide de lui couper les vivres. Pour subsister, il s’essaye d’abord à la photographie, sur les traces de son ami Charles Cros, mais ne connaît pas le succès. Il décide alors de s’essayer au métier de journaliste, publiant des chroniques loufoques dans diverses revues parisiennes. Avec ses amis du quartier latin, il fait aussi partie de plusieurs groupes fantaisistes comme Les Fumistes, Les Hydropathes ou Les Hirsutes.
En 1880, après avoir terminé sans succès ses études de pharmacie, Alphonse devient collaborateur du journal Le Chat noir dans lequel il signe pour la première fois en 1883. C’est grâce à ses écrits humoristiques et à ses nouvelles écrites au jour le jour qu’il connaît le succès. En 1886, il devient directeur du Chat noir et continue à publier chaque jour des contes et d’autres œuvres courtes dans des journaux tels que le Gil Blas ou, à partir de 1892, Le Journal.
C’est à cette période qu’Alphonse sort ses premiers recueils : À se tordre (1891) et Vive la vie ! (1892). Au cœur de la Belle Époque, il devient célèbre et populaire grâce à son écriture légère et à son humour déplacé, ses calembours et ses vers holorimes.
En 1895, Alphonse Allais se marie avec une jeune femme de vingt-six ans, Marguerite Marie Gouzée, fille d’un brasseur d’Anvers. En 1897, il devient rédacteur en chef d’un journal humoristique, Le Sourire, créé en 1899 par Maurice Méry, pour rivaliser avec Le Rire. Il continue aussi à publier des recueils : Ne nous frappons pas sort en 1900 et Le Captain Cap, personnage qui incarne le goût de l’absurde caractéristique d’Alphonse Allais, paraît en 1902. Mais derrière son écriture légère et son style narquois, on sent dans les écrits d’Allais une sorte de déception ; ses critiques des militaires, des politiques et des curés sont toujours empreintes d’un certain pessimisme.
Il meurt frappé d’une embolie pulmonaire, consécutive à une phlébite pour laquelle son médecin lui ordonne de rester au lit pendant six mois. Négligeant cette recommandation, il va au café, comme tous les jours et, à un ami qui le raccompagne à son domicile, il fait sa dernière plaisanterie :
« Demain je serai mort ! Vous trouvez ça drôle, mais moi je ne ris pas. Demain, je serai mort ! »
Comme il l’avait annoncé, il meurt le lendemain. Il est enterré aucimetière parisien de Saint-Ouen. À la fin de la Seconde Guerre mondiale(en 1944), une bombe de la Royal Air Force a totalement pulvérisé sa tombe… Ses cendres « virtuelles » ont été transférées à Montmartre en 2005.
Il reste de lui l’image d’un homme à l’humour acide et un spécialiste de la théorie de l’absurde. Ses travaux scientifiques sont moins connus (recherches sur la photographie couleur et dépôt d’un brevetpour du café lyophilisé, ainsi que des travaux très poussés sur la synthèse du caoutchouc).
L’écrivain
Poète autant qu’humoriste, Alphonse Allais a cultivé entre autres le poème holorime, c’est-à-dire constitué de vers entièrement homophones. Exemples :
« Par les bois du djinn où s’entasse de l’effroi,Parle et bois du gin, ou cent tasses de lait froid. »
ou encore :
« Alphonse Allais de l’âme erre et se f… à l’eau.Ah ! l’fond salé de la mer ! Hé ! Ce fou ! Hallo. »
Il sait à l’occasion se moquer de lui-même, dans le vers suivant :
« Ah ! Vois au pont du Loing : de là vogue en mer Dante.Hâve oiseau pondu loin de la vogue ennuyeuse. »
suivi du commentaire de bas de page :
« La rime n’est pas très riche, mais j’aime mieux cela que de sombrer dans la trivialité. »
Son art de « tirer à la ligne » était proverbial. Il est vrai qu’il faisait même cela avec esprit : « … On étouffe ici ! Permettez que j’ouvre une parenthèse. »
Quelques personnages reviennent de façon récurrente dans le monde d’Alphonse Allais. Le Captain Cap, de son vrai nom Albert Caperon, est un personnage qui a son franc-parler et affirme : « La bureaucratie, c’est comme les microbes : on ne parlemente pas avec les microbes. On les tue ! ». Son apparition est prétexte à fournir des recettes de cocktails.
Francisque Sarcey, critique théâtral du journal le Temps et personnification du « gros bon sens » bourgeois, est souvent cité dans les contextes les plus loufoques. La « victime » ne s’en formalisait pas, et se réjouissait même d’être imitée — Allais signait volontiers de son nom, ou de celui de Sarcisque Francey — par un écrivain aussi spirituel. Un autre auteur lui ayant emprunté le procédé, Allais tint à mettre les choses au point : « Deux personnes seulement à Paris ont le droit de signer Francis que Sarcey : moi-même d’abord, et Francisque Sarcey ensuite. »
Autres formes d’art
Alphonse Allais est l’auteur des premières peintures abstraites : ses monochromescomme Récolte de la tomate sur le bord de la mer Rouge par des cardinaux apoplectiques, présentés au salon des Arts Incohérents, précèdent d’une génération le Carré blanc sur fond blanc de Kasimir Malevitch.
Il est aussi, bien avant John Cageou Erwin Schulhoff, l’auteur de la première composition musicale minimaliste : sa Marche funèbre composée pour les funérailles d’un grand homme sourd, est une page de composition vierge, parce que « les grandes douleurs sont muettes ».
Publications
Principaux ouvrages
À se tordre,1891
Vive la vie !,1892
Deux et deux font cinq,1895
On n’est pas des bœufs,1896
Amours, délices et orgues,1898
Ne nous frappons pas,1900
La Vie drôle, La Table Ronde, coll. Petite Vermillon
Le Captain Cap, La Table Ronde, coll. Petite Vermillon
Quelques citations
Il faut demander plus à l’impôt et moins aux contribuables.”
“Le rire est à l’homme ce que la bière est à la pression.”
“Ne remets pas à demain ce que tu peux faire après-demain.”
“La misère a cela de bon qu’elle supprime la crainte des voleurs.”
“Une fois qu’on a passé les bornes, il n’y a plus de limites.”
“La logique mène à tout, à condition d’en sortir.”
“Les jambes permettent aux hommes de marcher et aux femmes de faire leur chemin.”
“Il vaut mieux être cocu que veuf : il y a moins de formalités !”
“L’avantage des médecins, c’est que lorsqu’ils commettent une erreur, ils l’enterrent tout de suite…”
“Et Jean tua Madeleine. Ce fut à peu près vers cette époque que Madeleine perdit l’habitude de tromper Jean. ”
“Le métier d’officier consiste surtout à punir ceux qui sont au-dessous de soi et à être puni par ceux qui sont au-dessus.”
“Un gentleman est un monsieur qui se sert d’une pince à sucre, même lorsqu’il est seul.”
“Impossible de vous dire mon âge, il change tout le temps.”
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“Ventre affamé n’a point d’oreilles, mais il a un sacré nez !”
“J’ai connu bien des filles de joie qui avaient pour père un homme de peine.”