Finie l’euthanasie voici le SMA!

La médiatisation orchestrée du suicide de madame Bert, cette femme atteinte d’une maladie incurable qui a décidé d’aller se faire euthanasier en Belgique début octobre, destinée à attirer l’attention du public sur les problèmes de fin de vie est non seulement malsaine – en faisant appel à l’émotionnel, elle banalise un acte qui ne doit être envisagé qu’avec le recul nécessaire à toute prise de position importante – mais également indécente, car elle étale en place publique une détresse et un désespoir que seule l’intimité avec des proches peut permettre de partager.

Sans doute y a-t-il dans cette publicité le fait, pour certains, de vouloir changer le regard de la société sur ce sujet afin de faire avancer leurs propres idéaux, et peut-être aussi le désir, pour l’intéressée, de sortir de l’anonymat en s’offrant une petite gloire forcément éphémère.

Mais ces offensives médiatiques ne doivent pas cacher le fond du problème : a-t-on le droit d’aider quelqu’un à mourir et, si oui, comment ?

Après la PMA (procréation médicalement assistée), aura-t-on bientôt le SMA (ou suicide médicalement assisté), évitant ainsi d’avoir recours au mot « euthanasie », qui suscite depuis des années des polémiques dès qu’il est prononcé ? De plus, l’utilisation du terme « médicalement assisté », en faisant référence à l’usage curatif de la médecine, discipline censée soigner et soulager, ne peut que faire admettre cette aide au suicide sans discussion, à moins, bien sûr, d’avoir l’esprit chagrin. Mais ce n’est pas un simple aménagement social à visée humanitaire auquel font référence les partisans de l’euthanasie, c’est aussi l’amorce d’un grand changement sociétal, tout comme la vulgarisation de la PMA ou de la GPA.

On peut parfaitement admettre le désir de ne pas souffrir et d’en finir au plus vite devant une situation où il n’y a plus d’espoir, et les raisons d’envisager un suicide sont complexes, multiples, et souvent difficiles à comprendre et à admettre pour celui qui n’est pas directement concerné. Cela relève d’un choix qui, à défaut d’être parfaitement libre, est toujours très personnel. Mais faut-il, pour cela, institutionnaliser un service faisant appel à un officiant chargé d’exécuter la volonté du futur défunt ? Ce serait pousser un peu loin le bouchon et ouvrir la voie à tous les excès.

J’ai, hélas, vu dans ma vie professionnelle suffisamment de suicides pour affirmer que tous ces malheureux n’ont eu besoin de personne pour passer de la vie à trépas ; j’ai aussi vu suffisamment de fins de vie pour affirmer que les traitements bien conduits permettent d’éviter douleur et désespoir. Le cadre juridique est maintenant suffisant pour permettre au médecin d’avoir une approche efficace et non répréhensible lors de ces moments si particuliers.

Doit-on remplacer par des formulaires administratifs ce qui ne peut faire l’objet que d’un dialogue intime entre le malade et son soignant au plus profond de leur conscience ?

Entrer dans cette logique administrative, c’est déjà envisager une société nouvelle, avec de nouveaux critères, c’est envisager de vivre autrement. Est-ce la société que nous désirons où tout serait formaté, réglementé, y compris ce qui ressort de l’intime ?

 

Docteur Jacques-Michel Lacroix – Boulevard Voltaire

 

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