Les Proies est le dernier film de la réalisatrice-vedette Sofia Coppola. Fille d’un réalisateur très célèbre, elle a réussi à se faire un prénom, et ce du fait d’un talent réel et non par pure complaisance d’un milieu fermé. Toutefois, ces films ont été parfois inégaux. Aussi avons-nous vu Les Proies avec une réelle curiosité. Le film est la seconde adaptation, radicalement différente de la précédente remontant aux années 1970, d’un roman célèbre aux Etats-Unis.
A la fin de la Guerre de Sécession (1861-1865), fin certes plus évidente a posteriori que pour les contemporains, en 1864, l’Etat sudiste de Virginie est envahi par les forces nordistes. Ces dernières sont très supérieures en nombre et armement et, en 1864, ne peuvent plus vraiment être arrêtés. Pourtant les combats, rudes, se poursuivent, et ce jusqu’au printemps 1865. Une grande plantation de Virginie a été transformée en collège de jeunes filles. Elles appartiennent à de bonnes familles sudistes, mais plus ou moins ruinées par la guerre. Elle est tenue par la propriétaire, assistée d’une enseignante principale. Elles éduquent une dizaine de pensionnaires, adolescentes de 12 à 18 ans à peu près. Ce milieu purement féminin constituerait des Proies faciles pour des soldats ennemis en maraude. Or, un jour, une pensionnaire partie à la cueillette de champignons, découvre un soldat nordiste gravement blessé. Le pensionnat s’organise pour tenter de lui sauver la vie. La directrice décide de ne le livrer aux autorités sudistes compétentes qu’après sa guérison. En effet, un transfert en camp de prisonnier sudiste l’achèverait de facto. Ce ne serait pas chrétien d’agir ainsi, explique-t-elle à ses élèves.
Les Proies, une certaine déception
Durant une grosse première partie, ces dames et demoiselles, comme le caporal nordiste, qui grâce à leurs soins diligents se remet, lentement, s’apprivoisent réciproquement. Il n’est pas un patriote nordiste intransigeant, mais un des très nombreux mercenaires irlandais engagés dans l’armée nordiste afin de fuir la pauvreté. Il se rêve, après la guerre qu’il sent proche, comme jardinier dans le domaine virginien. Il ne tient évidemment pas à rejoindre un camp de prisonniers, ni même l’armée nordiste en campagne, à quelques dizaines de kilomètres de là. Evidemment, une présence masculine perturbe ces dames trop seules, les adultes comme les plus grandes adolescentes. Le soldat, s’il se conduit bien, un premier temps, n’est pas insensible à leurs charmes.
Le problème majeur du film est que cette histoire, traitée délicatement jusque-là, sombre brusquement, complètement, dans une deuxième partie voulue dramatique, animée, et qui tient surtout du grand-guignol d’un goût douteux. Certes, un mercenaire, au milieu de toutes ces dames, peut finir par mal se conduire… Mais la violence subite, excessive, détonne. La vengeance de ces dames tient quelque peu du placage d’une idéologie féministe anachronique ; la chose a au moins été revendiquée. C’est très dommage, et Les Proies, sans être totalement mauvais ou indéfendable, laisse au final une certaine déception.